Présentation du dossier
Vieillir
L’actualité troublante et inédite que nous traversons a placé plus que jamais les personnes aînées au centre des préoccupations et de l’urgence d’agir alors même que notre dossier était déjà complété. Le désastre des CHSLD met en évidence, s’il fallait encore le démontrer, l’incurie de nos responsables à plusieurs égards, et notamment dans la gestion chaotique du milieu de la santé et des soins aux personnes vieillissantes. Comment ne pas nous pencher sur cette question de façon prioritaire et tenter de réfléchir à l’état de la situation et à l’avenir de la prise en charge de cette population souvent vulnérable ?
La génération d’après-guerre a atteint, ces dernières années, l’âge de la retraite. Au moment où le transhumanisme et le confort factice du monde capitaliste font miroiter des promesses d’éternité, qu’en est-il des conditions concrètes d’existence des personnes aînées ? Alors que les partis politiques (re)découvrent le potentiel de cet électorat et que les forces de la gauche cherchent à renouveler leurs troupes, qui se propose de porter leurs revendications ?
Les défis qui se posent aux personnes aînées ont, en effet, un poids et une dimension que bon nombre d’entre nous auraient du mal à soutenir : embarras budgétaires, précarité en matière de logement, problèmes de santé de même que des perspectives climatiques peu réjouissantes. Tout cela à un moment où les jours devraient plutôt s’alléger, et cela sans compter les circonstances exceptionnelles telles que celles que nous vivons actuellement. Les femmes en particulier doivent se heurter au paradoxe qui les confronte, dès le mitan de la vie, à un corps à la fois réel et fantasmé. Il faut constater, enfin, que les personnes qui avancent en âge n’ont pas toutes auprès d’elles un·e éventuel·le proche aidant·e pour les épauler dans les périodes de grande incertitude. Toutes ces questions seront maintenant amplifiées par la menace de fléaux embrasant l’intégralité de la planète.
Et pourtant, les personnes de cette génération furent celles de ce Québec qui nous a éduqué·e·s, nourri·e·s, soigné·e·s. Elles nous ont aussi entouré·e·s, nous ont préparé de la soupe, nous ont chanté des petites chansons. Pour la postérité, nous devons nous imprégner de leur mémoire et de leur expérience, que leurs familles aient été enracinées ici depuis des siècles ou qu’elles s’y soient greffées en cours de route. Nous sommes toutes et tous désormais d’un même sol.
Dans ce contexte où s’entremêlent l’histoire et le présent, rien d’étonnant à ce que les vieux et les vieilles s’organisent, se défendent, continuent d’apprendre, de travailler et de militer. Rien d’étonnant non plus à ce que leur orientation sexuelle soit pleinement assumée et leur différence revendiquée. En bref, et sans nul doute, leur participation à leur, à notre société est pleine et entière.
En nous donnant le meilleur d’elles-mêmes, les personnes âgées nous ont préparé une vie que nous sommes en mesure d’apprécier aujourd’hui. Il est d’autant plus impératif de veiller à ce qu’elles vieillissent sereinement. Alors, ne les oublions pas. Aimons-les. Nous n’en vieillirons que mieux.
Bonne lecture !
Dossier coordonné par Suzanne Audette, Isabelle Bouchard, Isabelle Larrivée, Francis Lagacé et Anne Latendresse
Avec des contributions de Suzanne Audette, Amélie Chanez, Paul Cliche, Lorraine Guay, Francis Lagacé, Isabelle Larrivée, Anne Latendresse, Suzanne Laurin, Nicole Lavergne, Imad Lekouch, Julien Simard, Gisèle Tassé-Goodman, Bouchra Taïbi
Illustration et couverture : Connor Willumsen