Antoine Courmont et Patrick Le Galès (dir.)
Gouverner la ville numérique
Antoine Courmont et Patrick Le Galès (dir.), Gouverner la ville numérique, Paris, PUF, 2019, 108 pages.
Lorsqu’on employait, dans les années 1990, le terme d’« autoroute de l’information », son emploi se voulait métaphorique. Internet et le numérique étaient alors un ailleurs. À l’orée des années 2020, le portrait est tout autre : le numérique est désormais imbriqué à nos sociétés, et plus récemment, à nos villes. Ce petit ouvrage collige des articles de chercheurs en sociologie et en science politique et rend compte de leurs analyses concernant « l’entrée des villes dans l’ère du numérique ». Selon les directeurs de l’ouvrage, c’est le téléphone intelligent qui initie une rupture importante, « en connectant en permanence les individus à Internet et en leur permettant d’accéder à des services et à des informations en déplacement ». C’est également via ces téléphones que l’accumulation de données s’accroît exponentiellement, données qui « participent à la transformation du capitalisme urbain, amplifient le gouvernement des conduites et transforment les relations entre les acteurs de la gouvernance urbaine ».
De fait, l’accumulation, le traitement et l’usage des données, qui est principalement accompli par des entreprises privées, bousculent les autorités publiques et les forcent à modifier leur action, pour le meilleur et pour le pire. Thomas Aguilera, Francesca Artioli et Claire Colomb l’illustrent bien dans leur chapitre sur Airbnb, allant jusqu’à affirmer que « la survie même de ces entreprises du numérique [...] dépend de leur capacité à influencer les normes à tous les niveaux de gouvernement ». Bilel Benbouzid, pour sa part, montre qu’en ce qui a trait aux logiciels de « police prédictive », « l’enjeu principal est moins la prédiction des crimes qu’un management simplifié de l’action policière ». Derrière cet algorithme soi-disant intelligent se cache « une rationalisation de l’administration dans la continuité du New Public Management ». Au fil de la lecture, on voit bien qu’au-delà des discours euphoriques et affairistes, les mal nommées « villes intelligentes » doivent faire l’objet de débats en profondeur. Ce bref ouvrage y contribue certainement, mais nous fait surtout prendre conscience de l’ampleur du travail de réflexion et d’action qui nous attend.