Gaétan Breton
La Dette : règlement de comptes
lu par Elsa Beaulieu
Gaétan Breton, La Dette : règlement de comptes, Lux Éditeur, coll. « Futur proche », Montréal, 2007.
Ce petit livre est un formidable cours d’autodéfense intellectuelle contre les discours néolibéraux sur la dette, justification par excellence de la réduction des dépenses de l’État dans les services sociaux et la protection de l’environnement, quand ce n’est pas carrément leur privatisation. Gaétan Breton enseigne les sciences comptables à l’UQAM, et c’est donc sur le terrain comptable que se situe son argument. C’est la première vertu de l’ouvrage. L’auteur démontre rigoureusement, preuves comptables à l’appui, non pas tellement que la réduction des dépenses publiques est nuisible (bien qu’il souscrive très clairement à ce point de vue), mais bien que la prétendue nécessité de rembourser la dette est une mystification purement idéologique et une manipulation spécieuse des chiffres. La deuxième vertu de l’ouvrage est d’opérer cette démystification dans un langage clair, concis et accessible. L’origine et la composition de la dette du Québec sont décortiquées, montrant au passage que depuis 1997 la comptabilité nationale est calquée sur le modèle de l’entreprise privée, ce qui aurait entre autres eu pour effet de gonfler artificiellement le montant attribué à la dette. Un petit chapitre sur la dette canadienne jette un nouvel éclairage sur la question du déséquilibre fiscal. Ensuite les options qui s’offrent à la collectivité sont examinées : faut-il rembourser la dette ? Si oui, quand et pendant combien de temps ? À qui bénéficient la dette et son remboursement ? Ces questions sont examinées sous l’angle du rapport entre ceux qui payent la dette et ceux qui bénéficient des actifs que la dette a servi à financer. Ainsi, la question de l’équité entre les générations est retournée comme un gant : pourquoi les générations futures ne devraient-elles pas participer au paiement d’infrastructures et d’institutions qu’elles utiliseront ? Enfin, la dette québécoise, principalement interne, est comparée à la dette des pays du tiers-monde, principalement externe, mettant en évidence leurs différences fondamentales. Après cette mise en perspective systématique, nos pendules sont remis à l’heure et nous sommes mieux armés pour déconstruire les mensonges des « lucides » et des néolibéraux sur leur propre terrain, celui des chiffres !