La beauté à tout prix

No 025 - été 2008

Les cosmétiques contre la santé des femmes

La beauté à tout prix

par Pinote

Pinote

Douche du matin : savon-shampoing-revitalisant. Brossage de dents : dentifrice-rince-bouche. Crème hydratante. Un peu de mascara, qui s’enlèvera grâce à un démaquillant pour les yeux. Pour un homme, crème à raser et après-rasage. Déodorant. Un soupçon de gel dans le toupet avant de partir pour la journée. Pour vos soins d’hygiène et de beauté personnelles, comme chaque habitant d’Amérique du Nord, vous utilisez en moyenne quotidiennement une dizaine de cosmétiques [1]. Mais savez-vous ce qui se cache derrière ces produits si familiers ?

L’industrie de l’hygiène et de la beauté représente au Canada un juteux marché de 5,6 milliards $/an, monopolisé par des multinationales comme Unilever, Procter & Gamble, Johnson & Johnson, L’Oréal... N’hésitant pas à faire usage de stéréotypes sexistes et racistes (produits destinés à « blanchir » la peau), ces compagnies dépensent des sommes considérables en publicité et véhiculent des standards de beauté (retouchés par ordinateur) inaccessibles au commun des mortels, sous-entendant qu’avec un peu d’efforts (et d’argent) vous pourriez ressembler à ça. La femme « libérée », si elle suivait tous les conseils beauté des magazines, sortirait rarement de sa salle de bain. Et pourtant, malgré toutes les formules révolutionnaires et les innovations technologiques, le corps continue à vieillir, à grossir et à transpirer, et le poil à pousser. Ce qui est bon pour l’économie !

Pour réaliser de gros profits, il faut vendre beaucoup et à prix élevé de produits manufacturés à moindre coût. L’industrie des cosmétiques réussit le tour de force de vendre une impression de luxe et de bien-être tout en recyclant des déchets, principalement de l’industrie chimique et pétrolière, dûment parfumés et colorés : silicone, pétrole, opacifiant utilisé dans les peintures, zinc, aluminium, assouplisseurs de plastique, graisses et tissus animaux, pesticides sont quelques-unes des substances que l’on trouve dans nos salles de bain et accessoirement dans nos rivières, dans nos organes ou dans le lait maternel. Réjouissant cocktail ! Dangereux aussi.

L’industrie des cosmétiques est très peu, sinon pas du tout régulée ; les produits sont mis sur les tablettes sans test d’innocuité préalable. En fait, sur les 10 500 produits chimiques utilisés dans les cosmétiques, seulement 11 % ont été testés, souvent par les compagnies elles-mêmes. Le gouvernement ne demande un retrait de la vente qu’en cas de plainte pour réaction grave à un cosmétique et aucune étude sur l’exposition quotidienne et à long terme aux substances contenues dans les cosmétiques n’est réalisée. Quant à l’étiquetage des composants d’un produit, il n’est obligatoire au Canada que depuis novembre 2006 – et pas toujours respecté.

Certains organismes, comme le Environ-mental Working Group à Washington, se sont penchés sur la question. En est sortie une base de données sur les cosmétiques, Skin Deep [2], qui recense les cosmétiques, leurs composantes et leur degré de toxicité. Une crème hydratante pour le corps, utilisée par plusieurs de mes amies pour son efficacité, son prix et ses composants « naturels » affiche un taux de toxicité de 7/10. Ingrédients : pétrole, silicone, agents moussants, conservateurs. Risques associés : allergies, irritations, impacts possibles sur le système immunitaire et hormonal, effets sur le système reproducteur, mutations cellulaires lors de tests in vitro (risques de cancer). Les compagnies cosmétiques associées aux campagnes contre le cancer du sein font preuve d’une belle contradiction !

Quand j’étais jeune, on m’a souvent dit qu’il fallait souffrir pour être belle. Et faire souffrir ? L’organisme britannique Corporate Watch [3], qui recense les crimes corporatifs des multinationales, déplore dans le cas de l’industrie cosmétique des entorses graves aux normes environnementales, l’exploitation des ressources et des populations des pays du Sud [4] , la cruauté envers les animaux [5]... La beauté oui, mais pas à n’importe quel prix. Sans tomber dans l’ultraconsumérisme vert, il est possible de se procurer des cosmétiques naturels, respectueux de l’humain, de l’environnement et des personnes qui les produisent, un prix abordable [6]. Et qui fonctionnent. Car souvent l’industrie des cosmétiques n’est que de la poudre aux yeux : si vos cheveux brillent après l’usage d’un conditionneur, c’est qu’ils ont été cirés, comme votre auto. Ils brillent. Mais ils ne respirent plus.


[1On entend par cosmétique un produit servant à embellir, nettoyer ou modifier le teint, la peau, les cheveux ou les dents.

[4En Colombie par exemple, des plantation de palme, dont l’huile sert à la fabrication du savon, sont réalisées sur les terres des populations déplacées, réduites en état d’esclavage
moderne. Voir à ce sujet les campagnes du Projet Accompagnement Solidarité Colombie : www.pasc.ca

[5Consulter à ce sujet People for the Ethical Treatment of Animals (PETA) pour savoir les compagnies qui ne font aucun test sur les animaux : www.peta.org

[6Demandez conseil à votre magasin d’aliments naturels ou consultez la liste des compagnies qui ont signé la campagne pour des cosmétiques sécuritaires : www.bcam. qc.ca/pdf

Vous avez aimé cet article?
À bâbord! vit grâce au soutien de ses lectrices et lecteurs.
Partager sur        

Articlessur le même thème