Sauver le monde. Vers une économie post-capitaliste avec le peer-to-peer

No 65 - été 2016

Michel Bauwens

Sauver le monde. Vers une économie post-capitaliste avec le peer-to-peer

Philippe de Grosbois

Sauver le monde. Vers une économie post-capitaliste avec le peer-to-peer, Michel Bauwens (avec la collaboration de Jean Lievens), Les liens qui libèrent, 2015, 267 p.

Michel Bauwens est peut-être le principal théoricien du peer-to-peer (p2p, ou pair-à-pair). L’expression, qui a gagné en popularité dans la foulée de partage de fichiers via Napster, puis les torrents, n’est probablement pas familière pour tout le monde. Chez Bauwens, le peer-to-peer renvoie à un vaste univers : celui de la création de projets communs par le biais de contributions volontaires d’individus, sur une base égalitaire. On pense bien sûr aux logiciels libres ou à l’encyclopédie Wikipédia, mais le mode d’organisation s’étend déjà à bien d’autres sphères : voitures (Wikispeed) et micro-processeurs (Arduino) en conception open- source, espaces de cotravail, monnaies locales, réseaux de distribution alimentaire, etc.

À l’heure actuelle, le p2p s’articule fréquemment à l’économie de marché, quand il n’est pas carrément exploité par le capitalisme numérique (que l’on pense à Facebook, Uber, Airbnb...). Bauwens soutient qu’il ne s’agit que d’une étape : « Le nouveau système peut se développer parce que l’ancien en fait usage. » À terme, le modèle collaboratif pourrait remplacer un mode de production qui montre depuis longtemps des signes d’épuisement : « Le peer-to-peer pour les travailleurs de la connaissance équivaut à ce qu’était le socialisme pour les ouvriers de l’industrie. » Plus démocratique, ancré dans la communauté, mieux conçu pour résister à la tentation de l’obsolescence programmée, le peer-to-peer pourrait bien représenter une économie post-capitaliste.

Si de nombreux passages, notamment dans le chapitre sur les impacts du p2p sur le politique, sont des plus captivants, certains aspects du modèle de Bauwens auraient pu être abordés plus en profondeur et de manière plus critique. Je pense particulièrement à la place laissée à la méritocratie dans les projets peer-to-peer, qui peut s’avérer un piège majeur dans une économie développée autour de ces principes. Le titre, qui rappelle le messianisme des capitaines de l’industrie du numérique, suscite également un certain malaise. Par-delà ces bémols, l’ouvrage permet de mettre un peu d’ordre dans un univers parfois difficile à saisir, tout en stimulant l’imagination et ouvrant les possibles. En cela, il constitue un apport important à la compréhension de ces modes d’organisation.

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