La culture au coeur de nos vies, au centre de la Gaspésie

Dossier : Gaspésie - Forces vives

Dossier : Gaspésie - Forces vives

La culture au coeur de nos vies, au centre de la Gaspésie

Philippe Garon

En Gaspésie, la culture se bute aux impératifs économiques de notre époque. Force est de constater qu’il faut encore et toujours démontrer que les investissements dans ce domaine contribuent significativement à l’épanouissement individuel et collectif.

Mais on fait face aux sophismes véhiculés par les ténors des affaires. Par ailleurs, la vision de la politique culturelle régionale adoptée en 2013 l’affirme clairement :

« La culture est une richesse pour toutes les citoyennes et tous les citoyens de la Gaspésie et des Îles-de-la-Madeleine. Elle est ce qui tire notre société vers le haut. Elle offre les balises essentielles à toutes nos pensées, discussions, décisions et actions. Nous devons tous en prendre soin, l’affirmer, nous en servir et la faire fructifier. » Avec cette approche inspirante en tête, examinons l’apport du secteur culturel sur l’économie gaspésienne.

Des chiffres et des lettres

900 emplois ; 300 organismes ; 8 504 598 $ en fonds publics ; 66,78 $ par habitant en dépenses municipales ; 7 ententes de développement culturel ; une Charte des paysages ; un réseau de 36 institutions muséales ayant attiré 238 703 visiteurs en 2011 ; un réseau de 26 salles de spectacle ayant offert 298 représentations en 2011, pour 46 044 entrées ; 52 bibliothèques publiques ; 12 médias communautaires et 2 radios autochtones.

Ainsi, la Gaspésie posséderait le plus grand nombre d’établissements culturels de tous types par habitant au Québec. Pourquoi ? Avec son territoire aussi grand que la Belgique, la péninsule affiche une faible densité de population, principalement dispersée sur les quelque 600 kilomètres de littoral, dans une grande majorité de municipalités comptant moins de 5000 habitants.

L’importance du tourisme explique le grand nombre d’infrastructures et l’offre d’activités culturelles. Destination reconnue à l’international pour ses panoramas et la qualité de son environnement naturel, la péninsule ne saurait demeurer concurrente sans miser sur les facteurs de rétention que constituent ses attraits, ses artistes et artisans, ses événements.

Mais au-delà du nombre de visiteurs, au-delà des performances budgétaires des nombreux festivals en Gaspésie, qu’en est-il des dimensions patrimoniales, éducatives, sociales, affectives de la culture ?

La raison de nos combats

Même si l’été finit toujours par prendre congé, toute une harde d’artistes, d’artisans et de compagnies continue de se démener, beau temps mauvais temps, pour créer, se former, promouvoir et exporter. Rencontrer Nathalie Dumouchel, l’équipe du théâtre de la Petite Marée, François Miville-Deschênes, Éric Dion, Yves Gonthier, Joanne Morency, Orbie, Yanik Élément ou Guillaume Arsenault, c’est constater une fougue débrouillarde et un instinct têtu de vivre ici et prendre la mesure d’un colossal brasier d’inspiration.

Oui, s’ajuster perpétuellement, pour se clairer un salaire décent. Mais s’exprimer, instruire, préserver, c’est surtout participer à quelque chose de plus grand. C’est résister, par exemple, au compresseur sauvage qui gaspille les fonds publics dans des projets, comme Ciment McInnis, qui défigurent notre pays en suivant aveuglément les dogmes imbéciles du cartel pétrolier. Car comme l’affirme le metteur en scène tunisien Fadhel Jaïbi : « […] les artistes ne peuvent pas regarder s’écrouler le monde sans agir. On ne peut pas être artiste et complètement apolitique. […] On ne peut pas se contenter de gagner des sous et de dormir tranquille.  » Qui arrêtera les barbares financiers qui manipulent les élu·e·s, exploitent, tuent et polluent à distance, dans leurs abris fiscaux, engrangeant les profits de la vente de drones spécialisés en dommages collatéraux, sans cas de conscience ? Qui sinon les porteurs de culture ?

Churchill, en refusant de couper les budgets de la culture lors de la Seconde Guerre mondiale, nous chuchote : « Alors pourquoi nous battons-nous ? »

À l’échelle gaspésienne, même pour un auteur impatient tel que moi, quelle arme employer, outre la subversion ? Entrer dans les écoles pour essayer, bien modestement, d’éclairer un peu ces nouvelles âmes qui émergent, n’est-ce pas un effort courageux ? Malgré ma candeur, avec près de 150 ateliers qui m’auront permis de rencontrer plus de 2 500 jeunes du préscolaire à l’éducation des adultes dans le cadre du programme « La culture à l’école » cet hiver, j’ose croire que ma passion aura semé quelques graines qui pourront fleurir tôt ou tard. Une attitude, un regard, un enthousiasme plus qu’un message.

Car de mes années d’université, je retiens une citation que j’attribue, peut-être à tort, au grand pédagogue Philippe Meirieu : « On enseigne plus ce que l’on est que ce que l’on sait.  » Et encourager la génération montante à se lancer dans une telle aventure constitue, à mon avis, un vaste chantier, certes, mais aussi une noble entreprise. Oui, il faudra beaucoup d’enfants amoureux de culture pour bien réfléchir, bien parler et bien décider face au Meilleur des mondes qui s’annonce. Mais la culture sauvera notre futur.

Vous avez aimé cet article?
À bâbord! vit grâce au soutien de ses lectrices et lecteurs.
Partager sur        

Articlessur le même thème