Raviver l’utopie au Royaume !

No 065 - été 2016

Saguenay-Lac-Saint-Jean

Raviver l’utopie au Royaume !

Claude Côté

Deux nouvelles initiatives populaires ont vu le jour au cours de la dernière année au Saguenay-Lac-Saint-Jean. L’une dans l’ancienne ville de Chicoutimi, l’autre dans la capitale jeannoise, la ville d’Alma.

En janvier 2016, le collectif Emma Goldman (CEG) a créé un espace de rencontre et de discussion pour la population régionale où le militantisme, la marginalité et la liberté pouvaient s’exprimer sans égard à son origine. Le CEG est un groupe anarchiste qui milite au Sague­nay depuis maintenant plus de cinq ans. Ses membres sont actifs dans la région où ils prônent un idéal issu de la tradition anarcho-communiste. L’espace social libre (ESL) qu’ils ont mis sur pied à Chicoutimi est la concrétisation d’un projet qui a commencé au mois de janvier 2015 dans le cadre des luttes contre l’austérité ; le CEG se demandait alors ce qu’il pourrait faire en tant que groupe anarchiste pour favoriser les luttes.

Du côté d’Alma, c’est une initiative du communautaire qui est à l’origine du Café communautaire l’Accès. Cet espace se présente comme un endroit favorisant les rencontres dans une perspective de changement social à travers une activité économique alternative.

Petit tour d’horizon de ces nouveaux espaces militants.

L’espace social libre

Lors des mobilisations de 2015 contre l’austérité, le CEG s’est interrogé sur ses stratégies de mobilisation, cherchant de nouvelles manières de faire partager sa vision du monde. S’inspirant de l’exemple grec, il a décidé de mettre sur pied un espace d’échanges où il serait possible de fonctionner selon un modèle alternatif, sortant du cadre commercial habituel. Grâce à l’appui du Fonds d’action à l’initiative sociale, il a obtenu 25 % du finan­cement requis pour le projet. Auparavant, c’est en rencontrant les gens des quartiers ouvriers de Ville Saguenay, autour de marmites autogérées (food not bomb) que l’idée d’un tel espace de rencontres lui était venue. Situé au 94 rue Jacques-Cartier, bureau 202 à Chicoutimi, l’ESL accueille chaque semaine des activités de tout genre dans l’esprit de sa fondation.

L’objectif de l’ESL est d’organiser des activités dans lesquelles la pratique et l’idéal libertaire sont prônés. Ce lieu sert à tisser des solidarités entre les gens de manière inclusive. Selon le collectif, il était nécessaire de disposer d’un endroit de ce genre où les contraintes économiques ne sont pas un obstacle pour l’organisation collective. Ce cadre permet ainsi de proposer une alternative et de vivre l’utopie anarchiste à petite échelle, l’ESL étant un espace reposant sur des principes d’autonomie, d’autogestion et se présente comme un lieu de la contre-culture saguenéenne. Il existe certains endroits au Saguenay qui permettent déjà de se rencontrer. Cependant, ces lieux ne prônent pas l’idéal proposé par le CEG.

Depuis l’ouverture de l’ESL, plusieurs activités militantes ont eu lieu. Le CEG y a présenté des ateliers sur l’antifascisme, sur le privilège blanc et sur la collaboration avec les Innus. Par ailleurs, une permanence est assurée durant la semaine permettant d’avoir accès à un marché gratuit et à un kiosque d’informations où des brochures et des livres sont disponibles. Afin de financer les acti­vités, des événements sont organisés pour lesquels on demande des contributions volontaires.

Les militant·e·s du Collectif Emma Goldman et de l’Espace social libre travaillent toujours à fice­ler le projet. Dans les prochains mois, le comité d’organisation se propose de créer également un OSBL afin d’obtenir du financement pour des projets de cette nature. Par ailleurs, un projet de sociofinancement est en cours afin de perpétuer l’utopie anarchiste au Saguenay.

Café communautaire l’Accès

Du côté d’Alma, c’est le milieu communautaire qui est à l’origine de l’initiative du café l’Accès qui propose une alternative reposant sur la solidarité et un modèle d’affaires basé sur la contribution volon­taire. La coordonnatrice du groupe Accès Condition Vie, à l’origine de ce projet, le conçoit comme un lieu où l’ensemble de la société peut se rencontrer. Elle croit fermement au concept de mixité socia­le. Les gens peuvent s’impliquer bénévo­lement afin de faire vivre l’endroit, mais également pour avoir la possibilité de consommer sans à payer monétairement. Le temps donné au café est redonné de cette manière.

La contribution étant volontaire, les gens disposant de peu de revenus peuvent fréquenter l’endroit et y consommer café et nourriture. Plusieurs intervenant·e·s ne croyaient pas qu’il serait possible d’avoir un lieu où l’achat se ferait de manière volon­taire. Pourtant, le café enregistre des profits de 30 %. Tout comme l’ESL, le café est disponible pour différentes activités.

En conclusion, ces deux initiatives présentées proposent à leur façon des « utopies » respectant d’une certaine manière leur milieu respectif, qu’il s’agisse de la mouvance anarchiste ou du milieu communautaire. D’un côté l’ESL cherche à faire vivre l’alternative, en mettant de l’avant un idéal issu de la tradition libertaire. De l’autre, au Café Communautaire l’Accès, l’activité économique basée sur la contribution volontaire permet à notre avis de proposer une utopie et de la mettre en action.

Ces deux expériences permettent de créer des projets alternatifs par rapport au modèle économique hégémonique. Elles nous permettent de dire : « regardez, c’est possible ! » Cependant, ces expériences demeurent nouvelles et encore précaires. L’ouverture d’espaces de ce genre s’avère prometteuse ; leur vrai défi sera néanmoins de durer dans le temps !

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