Figures marquantes
Agnès Varda, cinéaste militante
La Nouvelle Vague est l’un des mouvements majeurs du cinéma français, celui qui jouit peut-être de la plus grande aura mythique. Elle est reconnue pour ses préoccupations d’abord artistiques et son intérêt manifeste pour les « images de femmes » esthétisées qui sont au cœur des représentations de cet univers d’hommes. Une centaine de réalisateurs, en effet, produisent leur premier film entre 1957 et 1962 et, parmi eux, on ne retrouve qu’une seule femme, Agnès Varda.
Quelques années plus tôt, la cinéaste avait déjà tourné son premier long métrage, La pointe courte (1955), mais il était déjà clair qu’elle ne filmait pas simplement pour filmer. Elle se distingue de ses compagnons de la Nouvelle Vague en tant qu’auteure de réalisations engagées, ce qui n’est pas courant dans ce milieu. Agnès Varda, signataire du Manifeste des 343, publié en 1971, défendant la légalisation de l’avortement, a ainsi souvent rendu hommage aux femmes, notamment dans L’une chante, l’autre pas (1977). Tout au long de sa carrière, Varda a travaillé sur les rapports entre la fiction et le réel. La pointe courte, à titre d’exemple, met en scène un couple dont la relation s’étiole tout en illustrant, en arrière-plan, les conditions de travail dégradées des pêcheurs de Sète, ville de son enfance.
Ses débuts ont été difficiles. C’est en train qu’elle se rend à Cannes, bobines sous le bras, pour présenter son premier film. Celui-ci ne remporte qu’un succès d’estime alors qu’il est considéré aujourd’hui comme précurseur de la Nouvelle Vague.
Bien que Varda ait refusé un temps le qualificatif de féministe, deux films majeurs évoquent la condition de la femme dans la société : Cléo de 5 à 7 (1962) et Le bonheur (1965), témoignant de sa sensibilité à « la cause des femmes » qu’elle ne cessera de défendre par la suite dans sa production cinématographique.
Mais c’est Sans toit, ni loi (1985) qui la fait connaître au grand public. Ce film raconte l’histoire d’une jeune fille sans abri, retrouvée dans un fossé, morte de froid. Là encore, Varda dénonce non seulement la situation des femmes, mais également la précarité et la marginalité qui affligent plusieurs d’entre elles, révélant une double domination, à la fois sexuée et sociale.
Aujourd’hui âgée de 90 ans, Agnès Varda tient toujours le fort. Déterminée, elle continue de filmer les gens et leur condition dans le monde. En 2017, elle a reçu un Oscar honorifique pour l’ensemble de son œuvre, la plus grande récompense du cinéma américain. On lui a aussi attribué le titre de grand officier de la Légion d’honneur en France. En 2015, elle remporte la Palme d’honneur du Festival de Cannes, première femme de l’histoire du cinéma à la recevoir. Les nombreux prix soulignant son travail de cinéaste engagée lui font dire qu’il s’agit là de « prix de résistance et d’endurance ».