Les jeunes : antisyndicaux ?

No 030 - été 2009

« Gagner sa vie sans la perdre »

Les jeunes : antisyndicaux ?

Jean-Marc Piotte

Comment les jeunes se situent-ils par rapport au syndicalisme ? Les jeunes, catégorie qui demeure indéterminée (pour certains, elle se termine à 25 ans, pour d’autres à 30, voire 35 ans), ne sont pas plus homogènes que leurs aînés. L’individualisme s’est répandu parmi toute la population, quoique les jeunes se révèlent souvent davantage préoccupés par l’environnement ou les situations internationales (guerres et la faim dans le monde) que leurs prédécesseurs. Le désengagement par rapport au syndicalisme concerne toutes les tranches d’âge, même si les jeunes, qui ont peu ou pas connu d’expériences positives de solidarité syndicale et qui sont confrontés à des situations différentes de celles de leurs aînés, croient trop souvent qu’ils peuvent se débrouiller seuls, sans avoir besoin de consulter leur syndicat.

Les jeunes, comme souvent les femmes et les personnes immigrantes, sont fréquemment cantonnés à du travail précaire avec des horaires brisés. Comment peuvent-ils s’identifier au syndicat, s’ils doivent combiner deux ou trois emplois dans des endroits différents, afin de subvenir à leurs besoins ? Les syndicats ont œuvré à civiliser cette précarisation, sans l’abolir et sans réussir partout. Les victimes en sécurité et santé au travail sont proportionnellement plus nombreuses chez les jeunes, qui ne connaissent pas leurs droits et qui ne reçoivent pas de formation avant d’être intégrés au travail.

Comment les syndicats pourraient-ils mieux les protéger ? La clause de disparité de traitement (« orphelin »), par laquelle les futurs embauchés seront défavorisés par rapport à ceux qui ont adopté la convention collective en assemblée générale, a vu sa portée, grâce aux luttes d’organisations de jeunes, limitée au Québec, mais sans être abolie, et demeure toujours d’actualité pour les syndicats qui relèvent de la juridiction fédérale. Comment les jeunes peuvent-ils se montrer solidaires d’une organisation qui le démontre insuffisamment ? De plus, les jeunes ne comprennent pas que le principe d’ancienneté s’harmonise mal avec le principe de conciliation travail/famille/études. Pourquoi les parents d’enfants d’âge scolaire n’auraient-ils pas la priorité de vacances lorsque leurs enfants sont en congé ? Ce désir de rendre compatible l’application de ces deux principes, qui est partagé par les instances de la CSN et celles, je crois, de la FTQ, n’a pas rejoint, sauf exceptions, les syndicats locaux. Enfin, les assemblées générales fonctionnent selon le code Morin plus ou moins simplifié. Ce code, même s’il permet de prendre efficacement des décisions, laisse peu de place à la discussion et demande un certain apprentissage pour s’y sentir à l’aise. Il existe donc une série de problèmes à résoudre, afin de favoriser l’engagement des jeunes dans le syndicalisme.

Le comité des jeunes de la CSN

Le comité des jeunes de la CSN, constitué de six militants de moins de 30 ans, a un pouvoir de consultation auprès des instances dirigeantes de l’organisation. Ses membres participent individuellement à différents comités, dont celui du chantier sur l’économie sociale. Il organise annuellement une « formation soleil » qui regroupe, pendant quatre jours, une vingtaine de jeunes qui, dans une atmosphère de détente, se donnent une formation syndicale, tout en tissant des liens entre eux. Tous les ans et demi, il tient durant deux jours un colloque, auquel participent environ 120 jeunes, sur des thèmes qui les interrogent. Le dernier portait sur l’intégration des jeunes au marché du travail, tandis que celui de l’automne prochain abordera des questions sur l’environnement et le travail.

Ce comité accomplit un travail stimulant, mais insuffisant, dans la mesure où ses interventions n’ont pas d’impacts significatifs auprès des diverses instances de la CSN. Il faudrait, pour ce faire, que le comité, en s’inspirant de ce qu’était le comité de condition féminine, reçoive le mandat de susciter la création de groupes de jeunes dans toutes les instances syndicales (fédérations, conseils centraux et syndicats locaux) et que lui soit alloué, pour accomplir cette tâche, un employé à plein temps. Les quelques vieux militants qui animent encore les instances syndicales prendront leur retraite dans quelques années. La relève syndicale demeure un problème incontournable dont la solution ne peut être reportée à plus tard. Les dirigeants syndicaux doivent donc prendre maintenant les moyens concrets de préparer et de former cette relève.

Vous avez aimé cet article?
À bâbord! vit grâce au soutien de ses lectrices et lecteurs.
Partager sur        

Articlessur le même thème