Vladimir Pozner
Les États-Désunis
Lu par Daniel Cahoun
Vladimir Pozner, Les États-Désunis, suivi d’un entretien avec Noam Chomsky, postface de Jean-Pierre Faye, Montréal, Lux Éditeur, colllection « Mémoires des Amériques », 2009, 354 p.
Lorsque Vladimir Pozner débarque à New York en décembre 1936, l’Amérique chôme comme rarement ce fut le cas dans son histoire. On a faim et on a froid à l’ombre de la statue de la Liberté et, dans cette terre d’élection du capitalisme, on refuse de parler de crise économique. Aux États-Unis, on dit Grande Dépression, ce qui donne un air de désastre météorologique à ce qui, dans les faits, est un déréglement social et politique. Vladimir Pozner est jeune mais a vécu : témoin de la révolution russe, ami de Gorki et des écrivains soviétiques, qu’il fit connaître en France dans les années 1920, il s’est établi comme romancier français dans les années 1930 avec les remarquables Tolstoï est mort et Le mors aux dents.
Mais c’est en grand reporter qu’il parcourt les États-Unis en 1936 et 1937, allant à la rencontre de ceux qui font l’actualité, partageant la vie des Noirs de Harlem, rencontrant ouvriers, briseurs de grève et chômeurs, et également des écrivains, dont John Dos Passos. De ces reportages, il tire la matière de ce beau livre, Les États-Désunis, lequel est une chronique au sens fort du terme. Sous la plume de Pozner, en effet, les personnes se métamorphosent en personnages, les petites choses du quotidien rendent compte de la solidarité et des misères de tout un peuple, les petits faits parlent le langage de la raison et, au final, le lecteur et la littérature s’en portent mieux.
À lire, pour découvrir la vie des marchands de lacets de Wall Street, des réalisateurs déchus de Hollywood, dans les mines et sur les pistes de danses sociales ! Noam Chomsky, dans un court entretien, nous rappelle que ce passé n’est pas tout à fait derrière nous…