Dossier : Apocalypse et politique

Apocalypse et politique

La nécessaire utopie

Jean-Marc Piotte

L’apocalypse relève plus de la foi et d’un sentiment que d’un savoir. Cette vision systématise les injustices, les horreurs, les guerres et la pollution du monde, tout en négligeant ce qui va bien, ce qui résiste et ceux qui luttent contre les maux. Elle peint tout en noir, tourne le dos à la palette des couleurs et refuse de regarder les contradictions qui animent l’histoire, les sociétés et la vie de chacun. Les apocalypsiens rêvent d’inhumer l’histoire entrelacée de contraintes et de libertés.

L’apocalypse se reproduit sur la décomposition des grandes utopies. Au Siècle des Lumières, au XVIIIe, les philosophes, remplaçant les clercs, prédisaient que la raison se substituerait à la foi et donnerait lieu à une humanité mue par le savoir et la morale. Or, si l’humanité moderne a progressé considérablement en connaissances scientifiques et en applications technologiques, elle ne se montre guère plus pacifique et plus morale que celle qui l’a précédée. Aux XIXe et XXe siècles, le socialisme, fondé sur la classe ouvrière, espérait créer une nouvelle société, reposant sur la liberté, l’égalité et la solidarité de tous. Or le socialisme s’est mué en dictature et la social-démocratie s’est de plus en plus intégrée à la gestion capitaliste.

Ces échecs incontournables ne sauraient masquer les avancées qu’ont permises ces grandes utopies. Le Siècle des Lumières a apporté une liberté de pensée et d’expression inimaginable aux siècles antérieurs où sévissait un despotisme idéologique semblable à la charia de certains pays islamiques. Les luttes économiques, sociales et politiques du mouvement ouvrier n’ont pas aboli le capitalisme, mais ont amélioré considérablement le niveau et la qualité de vie de l’ensemble des travailleurs des pays industrialisés. On n’est évidemment pas au paradis, mais ce n’est plus l’enfer.

Le XXIe siècle aurait besoin d’une nouvelle utopie, ancrée dans la réalité sociale, qui donnerait des ailes aux luttes sociales, écologiques et politiques pour un monde moins mauvais, meilleur.

Vous avez aimé cet article?
À bâbord! vit grâce au soutien de ses lectrices et lecteurs.
Partager sur        

Articlessur le même thème