Libérer des espaces : résister, créer, militer
Avatar et les véritables DéfenseurEs de la Terre
Le film Avatar, la plus récente réalisation de James Cameron, raconte comment les humains entreprennent de coloniser une planète et de déplacer puis d’exterminer le peuple d’indigènes qui y habitent afin de s’emparer des riches ressources de leur territoire. Cette allégorie nous donne de nombreux sujets de réflexion.
Le premier est la plus que fortuite ressemblance avec le vécu des peuples autochtones du Canada et d’ailleurs : la richesse de leur territoire et la profusion des ressources qu’il recèle leur ont aussi fait subir d’immenses souffrances aux mains de colonisateurs et de prétendus sauveurs.
Le deuxième élément de réflexion intéressant concerne les actuelles relations entre les peuples colonisateurs et les peuples autochtones, et les résistances de ceux-ci aux projets colonialistes.
Il est clair que le Gouvernement est engagé dans un processus qui vise l’élimination des droits des autochtones ainsi que la poursuite de l’entreprise d’assimilation et du colonialisme économique, culturel et environnemental qui est au cœur de l’histoire du Canada.
À Vancouver, en novembre, des communautés et des leaders autochtones provenant de tout le pays se sont réunis afin de faire face à cette nouvelle vague de colonialisme lancée par le Gouvernement et ses partenaires du monde des affaires. Ces attaques contre les cultures et les droits des autochtones ont mené à l’émergence d’un mouvement qui cherche à mettre en relation des initiatives locales de communautés autochtones et non-autochtones partout au Canada, sous la bannière d’un groupe appelé : Defenders of the Land [1] (DéfenseurEs de la Terre).
De nombreux projets qui ont des effets directs sur les peuples autochtones, leurs moyens de subsistance et leur environnement, sont nés ou ont pris de l’ampleur au cours de la dernière année. Au premier rang des préoccupations se trouve le mégaprojet des sables bitumineux qui menace de détruire le territoire Athapascan situé au nord de l’Alberta et d’en polluer les eaux de manière irréversible. D’autres protestations plus ou moins connues émergent d’un bord à l’autre de l’Ile de la Tortue (appellation autochtone de l’Amérique du Nord- NDLT), par exemple les revendications territoriales des Six Nations, la résistance à des activités minières au lac Big Trout (Kitchenuhmaykoosib Inninuwug), ainsi que les protestations contre les jeux olympiques et la dévastation dont ils sont synonymes pour plusieurs communautés autochtones. Tout cela ne représente que la pointe de l’iceberg d’un mouvement, trop souvent fragmenté dans le passé, en faveur des droits et libertés autochtones.
Les communautés autochtones se trouvent aux premières lignes des luttes planétaires pour l’accès à des ressources qui se font de plus en plus rares comme le pétrole, les métaux et même les arbres : pour elles, l’enjeu de ces luttes est rien de moins que leur survie. En 2008, des leaders autochtones, femmes et hommes, jeunes et aînéEs se sont réunis pour la première fois au Native Friendship Centre de Winnipeg pour répondre aux attaques récentes contre les droits des autochtones : le groupe Defenders of the Land était né.
Lors de la deuxième rencontre, en novembre 2009, 80 représentantEs des communautés en lutte, ainsi que plusieurs ONG et groupes de solidarités alliés, provenant de tout le pays se sont déplacéEs. Parmi les ainéEs et les militantEs, se trouve un grand nombre de jeunes qui ont fait de cette cause leur combat. Lors de cette rencontre, des témoignages ont rappelé les échecs des revendications territoriales, les luttes juridiques menées par plusieurs communautés contre différents gouvernements, les emprisonnements de leaders qui ont voulu exercer leur souveraineté, les barrages routiers et les barricades qui sont parfois les seuls recours qui restent pour certaines communautés. Mais ce qui ressort surtout, au-delà des histoires de désespoir et de dépravation entendues, c’est le constat que beaucoup de communautés n’abandonnent pas et ont commencé le véritable travail, celui d’éduquer leur peuple, de concevoir des manières de travailler ensemble et de planifier des actions permettant de garantir leur survie. Un autre signe des temps est l’ampleur de l’appui accordé au projet par des groupes de solidarité et la société civile à travers le pays. Durant trois jours de réjouissance, de discussions, de conférences, de rires et de larmes, les participantEs ont eu à décider de quelle manière ils/elles pouvaient contribuer de leur mieux à ce mouvement. Il était évident qu’il fallait former un réseau susceptible de représenter au mieux les intérêts des communautés concernées. Plusieurs étaient d’avis qu’un tel réseau devait être structuré de manière à venir en aide aux communautés en temps de crise, comme lors des barrages routiers ou quand arrivent les bulldozers, mais qu’il devait aussi fournir une aide constante et contribuer à prévenir l’escalade des problèmes afin d’éviter les crises. Ces fonctions s’ajouteraient au travail éducatif déjà accompli, par exemple dans le cadre des Indigenous Sovereignty Week (Semaines de la souveraineté autochtone) qui se tiennent chaque octobre à travers le pays.
Un réseau est en formation. Un mouvement est en train de se construire. Les défis à relever sont sans précédent : plus que jamais, autochtones et non-autochtones s’unissent pour les relever. Le cercle s’élargit, et de plus en plus de gens comprennent ce qui est en jeu et combien nos luttes sont liées les unes aux autres. Les problèmes de la violence, de l’éducation, de la dégradation environnementale, de la gouvernance, de la santé, etc. qui ne cessent de s’aggraver, ont des racines communes. Nous devons envisager des solutions dont le point de départ est la restitution de leur souveraineté aux peuples autochtones. Il s’agit d’un projet à long terme qui nécessitera un travail acharné sur les lignes de front, dans les salles de classe, dans les rues et les foyers. Le groupe Defenders of the Land veut participer à ce projet ambitieux et essentiel. Nous souhaitons rassembler et faire entendre les voix, passées sous silence, des communautés les plus à risques, celles qui ont été privées de leurs langues et de leurs territoires.
À la fin du film Avatar — ne pas lire si vous n’avez pas vu le film — alors qu’il est devenu évident que la soif de profit des humains est sans bornes et que rien ne les arrêtera, on assiste à une guerre sans merci entre TerrienNEs et autochtones. Le lien à faire n’est pas incongru. Aujourd’hui, les autochtones du monde entier habitent les derniers territoires riches en ressources précieuses et convoitées et ils et elles n’ont d’autre choix que d’agir pour se protéger des nouveaux assauts du colonialisme.
Au Pérou, l’été dernier, j’ai travaillé avec des autochtones de l’Amazonie qui ont perdu des êtres chers qui luttaient pour protéger leur environnement, leur culture et leur souveraineté face à des compagnies pétrolières et minières étrangères. Ces gens habitent une véritable Pandora et ils et elles sont menacés à cause de la richesse existant sous leurs pieds.
Toutefois, contrairement au film, ce ne sera pas un gentil homme Blanc qui viendra à la rescousse : ce seront les peuples autochtones unis, avec le support de leurs alliéEs des autres communautés. Ensemble, ils et elles constituent le dernier et le meilleur espoir pour notre avenir collectif. Le combat, en vérité, ne fait que commencer ; il se déroule sous nos yeux, sur d’innombrables écrans. Nous n’avons pas le loisir d’être de simples spectateurs et spectatrices. Le moment est venu pour les Defenders of the Land de monter sur scène, et il appartient à tous et toutes de devenir des acteurs et des actrices de soutien.