Dossier : Libérer des espaces - (…)

Libérer des espaces : résister, créer, militer

Ça va pas se PASCer comme ça !

Né de la rencontre d’activistes lors des mobilisations continentales contre les accords de libre-échange, le Projet Accompagnement Solidarité Colombie s’est donné comme mission d’articuler une solidarité directe entre le Nord et le Sud, dans l’optique de mettre en pratique les principes
libertaires en faisant vivre les idées anti capitalistes dans des relations durables entre mouvements de résistance, allant ainsi au-delà de la solidarité internationale et de l’aide humanitaire.

En 2003, le PASC s’est formé suite à la rencontre entre des militantes libertaires et des communautés métisses et afro-descendantes colombiennes désirant retourner sur leurs territoires ancestraux d’où l’armée et les paramilitaires les avaient déplacées afin d’initier un méga projet agro-industriel de palme africaine. En Colombie, pays craint et peint aux couleurs de la guerre, où il n’existe dans l’imaginaire collectif que guérilla et trafic de drogue, nous avons découvert un mouvement social riche mais perpétuellement menacé, un pays où de nombreuses entreprises canadiennes ont des intérêts économiques [1], bref, un endroit où confronter le Canada dans ses postures coloniales.

Le rôle du Canada dans le néo colonialisme

Contrairement à une idée fort répandue, les États-Unis ne sont pas le seul empire néocolonial de ce monde. Le mythe selon lequel le Canada joue un rôle pacifiste et humanitaire occulte le fait que les entreprises canadiennes sont activement soutenues par divers organismes étatiques (dont l’Agence canadienne de développement international – ACDI et Exportation et développement Canada – EDC), dans cette dynamique mondiale qui relègue les pays dits en développement dans un rôle de pourvoyeurs de ressources naturelles. L’État canadien a des intérêts en Colombie et ceux-ci se manifestent notamment par l’acord de libre-échange négocié entre les deux pays, qui n’attend qu’une ratification du parlement pour être mis en oeuvre [2].

Cette réalité entraîne le vol des territoires des communautés locales par l’État et ses alliés, afin de permettre l’exploitation des ressources, et la répression des mouvements sociaux. Ce néo-colonialisme ambiant nous révolte, d’autant plus qu’en tant que citoyenNEs canadienNEs, nous profitons des privilèges qui y sont associés.

Sortir de la relation d’aide, instaurer un statut d’allié : La solidarité directe

Notre vision de la solidarité tire ses racines d’une critique du développement et d’une tradition historique d’internationalisme politique, dont l’expression la plus forte aura été les brigades internationales durant la guerre d’Espagne. L’aide humanitaire et la solidarité internationale, telles que pratiquées par la majorité des organisations internationales, gouvernementales ou non, participe en effet du néo-colonialisme ambiant, en perpétuant la dissymétrie de pouvoir entre le Nord et le Sud et en promouvant le développement et son idéologie de croissance économique. Pour recevoir des appuis, il faut se plier à l’agenda du Nord, à ses initiatives et objectifs ; et fréquemment, les projets finissent par profiter plus aux entreprises étrangères qu’à la population locale.

En rupture avec ce paradigme, le PASC a décidé de mettre de l’avant une posture de solidarité directe, dont l’objectif est d’appuyer les initiatives politiques des mouvements alliés et de s’attaquer aux racines des situations de pauvreté et d’oppression. En tenant compte de nos avantages (richesse, éducation, passeport,...) et de notre accès privilégié aux centres de pouvoir et à l’information, nous tentons de transférer ces mêmes avantages à des mouvements de résistance colombiens. Ici, via Internet et ses publications et lors d’événements publics, le PASC diffuse l’information occultée par les grands médias concernant les processus de résistance colombiens et la violation systématique des droits humains. En Colombie, la présence « internationale » diminue la répression et permet à ces mouvements de gagner un peu d’air pour continuer à résister.

Nos pratiques nécessitent une constante remise en question dans le but d’éviter de reproduire des dynamiques d’oppression dans notre travail de solidarité. La situation ne s’améliore guère et les défenseurEs des droits humains vivent actuellement une recrudescence de menaces et de la diffamation [3]. Nos efforts communs permettront peut-être de mettre un frein à l’impunité : joignez-vous à notre réseau !


[1Par exemple, la compagnie Enbridge possède 25% du pipeline Ocensa (qui assure 60 % du transport du pétrole en Colombie).

[2Pour en savoir plus sur les actions à prendre, voir www.pasc.ca

[3Ce fut le cas du PASC, de PBI et de nos alliés colombiens à la fin de l’année 2009.

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