La Charte mondiale des femmes
Une expression d’espoir pour l’humanité
Une entrevue avec Nancy Burrows
Le 10 décembre 2004 à Kigali (Rwanda), les déléguées à la 5e Rencontre internationale de la Marche mondiale des femmes (MMF) ont adopté la Charte mondiale des femmes pour l’humanité. Cette charte constitue une autre étape dans l’action entreprise en l’an 2000 pour éliminer la pauvreté et réaliser le partage équitable des richesses, pour éradiquer la violence envers les femmes et obtenir le respect de leur intégrité physique et morale. À bâbord ! a rencontré Nancy Burrows, du Secrétariat international de la MMF, qui nous parle du sens de cette charte.
À bâbord ! : Il existe déjà de nombreuses chartes aux plans international, régional et local. Pourquoi donc une autre charte et d’où vient cette idée ?
Nancy Burrows : Disons tout de suite que cette charte n’est pas un instrument juridique. Elle propose, pour ainsi dire, la vision du monde que l’on est en train de construire et où les femmes auraient pleinement leur place. Un monde où l’oppression, l’exploitation, l’intolérance et les exclusions n’existent plus. Cinq valeurs sont à la base de ce monde que nous voulons bâtir : l’égalité, la liberté, la solidarité, la justice et la paix. Ces valeurs se déclinent en plusieurs affirmations décrivant les principes essentiels qui doivent guider ou soutenir la construction du monde que nous souhaitons. Cette charte représente notre utopie, notre idéal. Elle se veut inspirante ! Le processus d’écriture de la Charte a été particulièrement intéressant. Il a duré un an et demi et a donné lieu à plusieurs activités d’éducation populaire. Des centaines de groupes de toutes les régions du monde ont participé, à leur façon, à l’élaboration du contenu de la charte. La décision d’élaborer une Charte mondiale des femmes pour l’humanité a été prise en mars 2003, en Inde, lors de la 4e Rencontre internationale de la MMF.
AB ! : Est-ce qu’une charte peut avoir un potentiel mobilisateur ?
N.B. : La Charte donnera lieu à des actions qui se dérouleront à différents niveaux. Il y aura lancement de la Charte le 8 mars 2005 dans un grand nombre de pays. Un lancement mondial se fera à São Paulo au Brésil. À partir de là, la Charte circulera, par différents moyens, à travers le monde en même temps que se développera une immense courte-pointe de solidarité. 53 pays serviront de relais. À chaque étape, les femmes seront invitées, entre autres, à fabriquer un carré de courte-pointe illustrant un élément de la Charte. Elle arrivera le 17 octobre 2005 au Burkina Faso en Afrique. C’est par solidarité que nous avons choisi ce pays. Le Burkina Faso est l’un des pays les plus pauvres au monde. Un pays, également, où les femmes vivent d’importantes contraintes ou violences tels les mariages forcés, le lévirat
[1], les mutilations génitales. Le 17 octobre sera marqué par un « 24 heures » de solidarité qui débutera entre midi et 13 heures en Océanie et fera le tour de la planète. À cette occasion, différentes manifestations de visibilité seront organisées.
AB ! : À quel moment la Charte passera-t-elle au Québec ?
N.B. : Elle sera au Québec du 6 au 8 mai et un grand rassemblement est prévu à Québec le samedi 7 mai. Différentes activités auront lieu et des revendications québécoises ont été élaborées par la Coordination du Québec de la Marche mondiale des femmes.
AB ! : En 2000, la Marche mondiale des femmes portait 17 revendications internationales pour éliminer la pauvreté et la violence envers les femmes. Le 15 octobre 2000, des représentantes de la MMF avaient rencontré, à Washington, les dirigeants de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international et, le 17, elles avaient présenté l’ensemble de leurs revendications à l’ONU à New York. Qu’arrive-t-il avec ces revendications ? Elles ne sont sûrement pas désuètes. Est-ce que la Charte sera déposée, par exemple, à l’ONU ?
N.B. : Les revendications de l’an 2000 demeurent et nous continuons de les défendre. Elles feront partie d’un des documents qui accompagnera la Charte et elles constituent, d’ailleurs, des étapes dans la construction de ce monde que nous voulons. Les actions ne se sont pas arrêtées en octobre 2000. Des coordinations nationales de la MMF existent dans environ 70 pays dont plusieurs portent aussi leurs propres revendications. Nous ne prévoyons pas déposer la Charte à l’ONU, ni rencontrer des institutions internationales comme en 2000. Il faut dire, d’ailleurs, que les dirigeants de la Banque mondiale et du FMI n’ont jamais donné de réponses concrètes à nos demandes. L’utilisation politique internationale de la Charte n’est pas encore complètement déterminée. Nous la présenterons lors du Forum social mondial de Porto Alegre (Brésil) en janvier. En gros, beaucoup de travail, à partir de la Charte, sera fait avec les mouvements sociaux à différents niveaux. Cette charte dessine notre espoir pour l’humanité. Elle constitue un outil pour renforcer les luttes que nous menons déjà en les enracinant dans nos valeurs communes.
[1] Lévirat : dans certains pays, mariage obligatoire d’une veuve avec le frère de son défunt mari. (ndlr)