Dossier : Partenariats public-privé

PPP : étude de cas # 6

Hôpital de Brampton en Ontario

par Michel Parenteau

Michel Parenteau

En juillet 2007, le William Osler Health Centre de Brampton en Ontario inaugurera le premier centre hospitalier PPP à entrer en service au Canada, avant ceux du Royal Ottawa Hospital (ROH) et d’Abbottsford en Colombie-Britannique. Lancé en 2001 par le gouvernement conservateur d’Ernie Eves (successeur de Mike Harris), l’appel d’offres pour la construction en mode PPP du nouvel hôpital de Brampton a été remporté par le consortium Healthcare Infrastructure Company of Canada (HICC) dirigée par la multinationale britannique Carillion, une entreprise spécialisée dans la privatisation de services publics et au centre de sérieuses controverses au Royaume-Uni. Ce même consortium a aussi été choisi pour la construction du ROH et a soumissionné pour celui d’Abbottsford.

La privatisation annoncée de l’Hôpital de Brampton a rencontré une forte opposition dans la communauté. Des centaines de citoyens et de nombreuses organisations, notamment syndicales, ont créé la Ontario Health Coalition (OHC) dans le but de lutter pour la sauvegarde du système public de santé.

Durant la campagne électorale de l’automne 2003, l’action de la Coalition a amené le parti libéral ontarien à dénoncer ce qu’il appelait l’ « américanisation » et la « privatisation rampante » promues par les conservateurs et à s’engager à y mettre fin une fois porté au pouvoir. Trahissant sa promesse, le nouveau gouvernement libéral de Dalton McGuinty a relancé le processus de privatisation.

Inflation des coûts de construction

Selon leurs ardents et très intéressés promoteurs, l’un des bénéfices supposés des PPP serait qu’ils mettent l’État à l’abri des dépassements des coûts de construction, ce risque étant pris en charge par le consortium privé. Une telle affirmation occulte une réalité propre aux PPP : l’inflation des coûts a toujours lieu entre l’amorce des négociations avec la firme privée retenue à la suite de l’appel d’offres et la signature du contrat final. Un processus long et coûteux durant lequel l’entreprise privée et les institutions financières s’assurent justement de se prémunir contre tous les risques liés à la construction.

Ainsi, dans le cas du ROC à Ottawa, les négociations entre le gouvernement ontarien et HICC ont d’ores et déjà résulté en une augmentation de 70 % des coûts de construction prévus. Le même scénario s’est répété dans le cas de l’Hôpital de Brampton dont les coûts de construction sont passés de 350 à 536 millions de dollars en cours de négociation alors même qu’on réduisait le nombre de lits prévus à l’appel d’offres pour tenter de les contenir.

Structure et conditions de financement ruineuses

Si l’augmentation des coûts de construction en mode PPP constitue un problème sérieux, le véritable scandale réside dans la structure et les conditions du financement privé. À la suite d’intenses pressions publiques, le gouvernement ontarien a été contraint de divulguer en mars 2004 une partie du contrat de privatisation conclu avec HICC pour l’Hôpital de Brampton tout en maintenant le secret sur les conditions relatives aux transactions financières et à la privatisation des services eux-mêmes.

L’automne dernier, la Coalition a confié à un économiste réputé, Hugh Mackenzie, le mandat d’analyser les données obtenues concernant le financement privé mis en place par HICC pour l’Hôpital de Brampton. Il ressort de cette analyse que les contribuables ontariens devront payer, pour les seuls frais de financement, 344 millions $ de plus sur la durée du contrat PPP avec le consortium HICC (27,8 années). Autrement dit, la construction en mode PPP de l’Hôpital de Brampton coûtera 32,5 % plus cher à la communauté que si le gouvernement avait lui-même emprunté pour le construire et en être propriétaire.

Deux facteurs expliquent les coûts ruineux du financement privé : un taux d’emprunt plus élevé que celui du gouvernement auprès des institutions prêteuses et, surtout, le rendement escompté sur l’investissement des actionnaires privés. Dans le cas de Brampton, HICC a emprunté 85 % du capital requis (456 millions $) à un taux de 6,73 % sur une période d’amortissement de 25,8 ans pour un coût de 37,7 millions $ par année. Le reste (15 % = 80 millions $) représente l’investissement réel des actionnaires du consortium dont les coûts sont amortis sur 27,8 ans en raison de 14,4 millions $ par année pour un taux de rendement garanti sur investissement de 17,72 % ! Le coût annuel total du financement privé du PPP de Brampton revient ainsi à 52,1 millions $ (37,7 + 14,4) par année pour les contribuables.
En revanche, si le gouvernement avait choisi de financer lui-même la construction de l’Hôpital de Brampton par l’émission d’obligations de 27 ans portant intérêts à 5,56 % (taux pratiqué au moment de l’analyse), le coût annuel total pour les contribuables aurait été de 39,4 millions $, soit 12,7 millions $ de moins par année pendant plus de 27 ans.

Mais voilà, grâce au PPP, le gouvernement n’a pas emprunté les 536 millions $ et s’autorise à se vanter de la construction du nouvel hôpital à Brampton sans avoir accru la dette de la province. Magique PPP !

En vain, la Health Ontario Coalition et le SCFP ont porté l’affaire devant les tribunaux pour tenter d’obtenir la divulgation de tous les documents relatifs au contrat de privatisation. Prétextant que toute cette contestation avait entraîné de coûteux délais dans la réalisation de son contrat, HICC a exigé une compensation additionnelle de 22 millions $ du gouvernement.

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