Présentation du dossier du numéro 102
Éclater la famille
Coordonné par Caroline Brodeur et Arianne Des Rochers
Le numéro 102 s’en vient ! Abonné·es : il devrait vous être livré début janvier, tout dépendant de la grève chez Postes Canada ✊
La famille peut avoir l’air d’un sujet banal, d’un concept qui va de soi, car, après tout, tout le monde ou presque a une famille. Or, c’est précisément cette omniprésence de la famille, à la fois dans nos vies individuelles et dans la société, qui fait d’elle un sujet qu’il est nécessaire de creuser.
Ce dossier est porté par la conviction que la famille est une institution, un concept et un ensemble de pratiques qui méritent notre plus grande attention. Non seulement elle est au coeur du quotidien, mais elle peut aussi être instrumentalisée à des fins politiques et devenir un vecteur de contrôle social. La manière dont les gouvernements la définissent et la façonnent en dit également long sur les limites et les marges de notre société.
Le dossier vise donc à éclater le concept même de famille, au-delà des critiques convenues. Il s’ouvre sur un article de Denyse Baillargeon, qui nous offre un portrait historique des différentes formes qu’a prises la famille dans l’histoire récente du Québec. Puis, Diane Labelle nous offre un texte très personnel sur les conceptions et pratiques autochtones de la famille, d’hier à aujourd’hui. Ces deux contributions illustrent que la famille n’a pas toujours revêtu les attributs de la famille nucléaire dont la majorité se revendique.
Le dossier accorde une place importante à des critiques de son instrumentalisation à des fins de contrôle et de surveillance des populations marginalisées. Alex Arseneau explore comment la notion de « droits des parents » devient, dans les discours transphobes, une arme contre les enfants queers. Quant à Alexandra Borrelli et Alicia Boatswain-Kyte, elles montrent que les biais racistes s’invitent aussi à la DPJ, où les familles et les enfants noirs sont surreprésentés en raison du profilage racial. Enfin, Anne-Marie Piché nous présente l’évolution récente des pratiques en adoption internationale, qui font l’objet de plus en plus de revendications éthiques et politiques.
L’entretien avec la Coalition des familles LGBT+ témoigne de l’immense chemin parcouru, ces dernières années, pour la reconnaissance juridique et sociale des familles issues de la diversité sexuelle, et de l’importance des efforts militants derrière ces victoires. Malgré ces avancées, l’article de Caroline Brodeur sur la réforme du droit de la famille illustre que, sur le plan législatif, on omet et on exclut encore sciemment certains types de famille au Québec.
Le mot de la fin est accordé à celleux qui refusent la parentalité biologique et la famille nucléaire au 21e siècle, dans un texte d’Arianne Des Rochers qui rassemble plusieurs témoignages anonymes. Le choix de ne pas avoir d’enfants n’est pas interprété ici comme un refus catégorique de la famille, mais comme une invitation à repenser celle-ci, à l’ouvrir sur toutes sortes de nouvelles configurations relationnelles, à l’étendre bien au-delà du noyau familial.
Un dossier qui nous fait réaliser que, plus que jamais, le privé est politique, et que pour transformer radicalement les rapports sociaux, le microcosme de la famille est sans doute un bon endroit où commencer.
Un dossier coordonné par Caroline Brodeur et Arianne Des Rochers
Illustré par Natascha Hohmman
Avec des contributions de Alex Arseneau, Denyse Baillargeon, Alexandra H. Borrelli, Alicia Boatswain-Kyte, Caroline Brodeur, Coalition des familles LBGT+, Arianne Des Rochers, Diane Labelle, Anne-Marie Piché