International
Projet de Déclaration universelle du bien commun de l’humanité
À l’initiative du Forum mondial des Alternatives, un projet de Déclaration universelle du bien commun de l’humanité a été présenté au Sommet des peuples, en marge du Sommet de Rio+20, en juin 2012. Il devait être présenté formellement au Forum social mondial de Tunis en mars dernier. Bien qu’aucune activité autour de ce projet de déclaration n’ait été inscrite formellement au FSM par le Forum mondial des Alternatives, les discussions autour du texte se poursuivent.
Cette initiative s’inscrit dans l’axe de la construction de nouveaux universalismes que poursuivent les forums mondiaux et mérite à ce titre que l’on y porte attention. Le texte du projet de déclaration, en effet, présente à mon avis deux aspects fort positifs du point de vue des mouvements sociaux et politiques : d’une part, il tente de s’inscrire dans une forme et une logique déjà connue et pratiquée à l’échelle internationale et d’autre part, il tente d’embrasser assez largement les différents courants et mouvements qui s’identifient aux alternatives, du point de vue de son contenu.
Ainsi, le texte prend la forme d’une véritable déclaration : un préambule, suivi de 18 articles regroupés en cinq sections. Le texte se situe d’ailleurs lui-même, au sixième paragraphe du préambule, comme « une nouvelle initiative, parallèle à la Déclaration universelle des droits de l’homme », après avoir renvoyé explicitement, au troisième paragraphe, à de nombreuses déclarations que l’on a vu adoptées au fil des décennies à l’Assemblée générale des Nations unies.
Les cinq sections qui regroupent les articles illustrent par ailleurs la volonté de répondre au diagnostic posé en préambule, celui d’une crise multidimensionnelle, et ouvrent donc des chantiers larges : la nature, l’économie, la démocratie, l’inter-culturalité. Il faut toutefois noter que la dernière section et le dernier article, portant sur les obligations et les sanctions, sont plutôt en porte-à-faux avec le constat du paragraphe précédent puisque les déclarations, dans le système inter-national actuel, n’ont jamais de portée obligatoire.
Un universalisme à peaufiner
Malgré ces aspects positifs toutefois, ce projet de déclaration comporte aussi plusieurs faiblesses et c’est pourquoi il me semble important d’en discuter largement. Sans m’attarder à des éléments particuliers – à l’égard de la question des femmes ou du droit à l’éducation par exemple –, je voudrais plutôt attirer ici l’attention sur un problème dans la logique même de ce projet, qui transparaît à la fois dans sa structure et dans certains éléments spécifiques de son contenu. Prétendant à la construction d’un universalisme, le projet met en effet de l’avant une vision particulière fondée sur des concepts, des idées et, nous dit le texte, « un paradigme » issus de cultures particulières. Au septième et dernier paragraphe du préambule, on nous dit que c’est le paradigme du « Bien Commun de l’Humanité » ou du « Bien Vivre ». Ces deux concepts sont cependant issus de cultures et traditions spécifiques : celle de la chrétienté d’une part et celle de l’autochtonie sud-américaine d’autre part.
Or, toute la construction qui suit reflète un présupposé naturaliste et vitaliste politiquement ambigu selon les termes d’Étienne Tassin [1]. La structure même de la Déclaration – avec la nature d’abord, puis l’économie, la démocratie, l’inter-culturalité – l’illustre et laisse apparaître au fil des articles d’autres ambiguïtés qui pointent vers la difficulté à penser le monde commun sur d’autres présupposés que proprement politiques, donc de relations – l’égalité et la liberté – de la diversité /pluralité.
Les expressions de « bien commun » ou de « bien vivre » sont largement reprises à l’heure actuelle, car elles reflètent, dans le sens commun, une aspiration profonde. Il reste toutefois que leur sens moral – bien ou mal – laisse peu d’espace à l’expression de la pluralité. Inverser le sens de ce projet de Déclaration, d’un présupposé naturaliste à un présupposé politique, ce qui est à la base de la condition humaine : la relation, le rapport… aux autres ou à la nature, permettrait peut-être de mieux dire la finalité d’un tel exercice : redéfinir les éléments fondamentaux de la vie collective (préambule, paragraphe 6) ; bref, du vivre ensemble sur la planète.
[1] Propos tenus lors de la discussion du 27 mars que vous pouvez réentendre au site indiqué dans les repères.