Présentation du dossier du no 50
Mutations de l’univers médiatique
La plupart des gens ont probablement eu conscience de l’existence d’Internet il y a une quinzaine d’années environ, souvent sans savoir que ce formidable outil avait été développé depuis deux décennies au moins avec des fonds publics, mais en y voyant, non sans raison, de grandes promesses de démocratisation, de liberté et d’enrichissement de notre conversation collective.
Les choses ont bien changé, et cette fois encore sans que trop de gens en prennent pleinement conscience. Internet est en effet désormais, de manière massivement prévalente, aux mains d’une poignée de mégacorporations (quasi) monopolistiques comme Google, Facebook, Apple, Amazon et quelques autres, et a été transformé en profondeur par leurs finalités et par les valeurs qui les sous-tendent.
Ces nouveaux joueurs ont des répercussions substantielles sur un nombre considérable de plans et on n’a pas fini, je le crains, de toutes les découvrir.
Par exemple, parce qu’ils réunissent sur chacun de nous des informations qu’ils revendent à des entreprises qui ciblent grâce à elles leurs publicités, ils nourrissent de troublantes attaques à la vie privée qui sont de lourdes menaces à la liberté individuelle et qu’on ne saurait tolérer dans une société démocratique.
Parmi ces répercussions, ce dossier s’intéresse à celles qui affectent l’économie politique des médias et donc à ces mutations en cours qui transforment substantiellement la nature même des médias, leur rôle, l’accès à l’information, la manière dont les médias peuvent avoir recours à la publicité pour se financer et jusqu’au travail des journalistes, pour ne nommer que ces quelques exemples.
C’est pour réfléchir à de telles questions que la revue À bâbord ! a organisé ce printemps un colloque réunissant des invités prestigieux, colloque dont témoigne le présent dossier.
Trois chantiers étaient proposés.
Le premier, intitulé « Mutations de l’univers médiatique ? », tente de cerner les aspects les plus notables des mutations en cours, en particulier à la lumière des redéfinitions respectives et interactions des médias traditionnels et des nouveaux médias, sociaux et électroniques. les textes de Stéphane Baillargeon, Philippe de Grosbois et Chantal Francoeur, qui participaient à cette table ronde, ouvrent le dossier.
Le deuxième chantier portait sur les nouveaux médias et questionne les promesses, notamment de démocratisation et d’appropriation citoyenne, qui sont faites en leur nom. Simon Jodoin, Anne Goldenberg et Florent Daudens sont les participantes à cette deuxième table ronde et leur texte suit les premiers.
Le troisième chantier soulève la question de l’objectivité dans le nouveau contexte qui se dessine et qui brouille les frontières entre journalisme et militantisme. Les panélistes de cette dernière table ronde, Brian Myles, Isabelle Gusse et le Collectif Gappa, présentent ici la synthèse de leur analyse.
La revue À bâbord ! était très heureuse et honorée de pouvoir compter sur la présence de M. Marc Laurendeau, qui, à titre de grand témoin, a ouvert la journée et l’a clôturée en réagissant aux propos qu’il avait entendus lors des tables rondes. Son texte ferme ce dossier.
Nous avons été heureux d’accueillir ces personnes et d’entendre leurs stimulants propos et sommes convaincus que vous aurez le même intérêt à les lire que nous avons eu à les entendre.