Tous fous ? L’influence de l’industrie pharmaceutique sur la psychiatrie

No 050 - été 2013

Jean-Claude St-Onge

Tous fous ? L’influence de l’industrie pharmaceutique sur la psychiatrie

Abby Lippman

L’influence de l’industrie pharmaceutique sur la psychiatrie, Jean-Claude St-Onge, Écosociété, Montréal, 2013, 372 p.

Tous fous ? est le dernier ouvrage de Jean-Claude St-Onge. Celui-ci démontre comment nos vies sont toujours plus médicalisées par une industrie pharma-ceutique avide de profits, qui place ses intérêts au-dessus des nôtres.

Saint-Onge détaille dans son livre la multiplication des catégories de diagnostics psychiatriques dans ce qu’on appelle la « Bible » des psychiatres, le DSM (Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders) dont la cinquième édition a paru ce printemps.

Cette nouvelle édition contiendra encore plus de diagnostics dont l’impact sera important. En effet, le DSM décrète qui est «  normal  » et qui ne l’est pas, et il sert de référence à un ensemble de décisions qui affectent la vie et l’avenir de nombre de gens. Un diagnostic du DSM déterminera si vous recevrez ou non des prestations gouverne-mentales, des ressources adaptées au niveau scolaire, le type de traitement auquel vous serez éligible ou vos possibilités d’emploi.

L’explosion du nombre de troubles mentaux recensés dans le DSM résulte en grande partie de lignes directrices rédigées par des « expertEs » grassement payés par les pharmaceutiques. Ils et elles contribuent à transformer les humeurs et comportements humains plutôt normaux (tristesse, deuil, agitation) en troubles mentaux pour lesquels l’industrie a une solution toute prête : des médicaments.

Cette médicalisation de la vie humaine est aggravée par le fait que la plupart des médicaments dont on fait la promotion (et qui ne sont pas seulement vendus) pour régler ces prétendus problèmes n’ont pas été étudiés de façon approfondie. Ainsi, l’auteur montre que les personnes qui les prescrivent de même que celles qui les consomment ne disposent pas d’informations valides et objectives quant à leur efficacité et/ou leur innocuité. Ce qui peut provoquer bien des dommages.

Bien sûr, le manque d’informations fiables concernant les médicaments est problé-matique dans tous les cas. Mais c’est particulièrement vrai pour les psychotropes qui visent à traiter une prétendue « épidémie » de troubles de santé mentale et donc à être prescrits à des pans de plus en plus larges de la population. Jean-Claude St-Onge montre comment cette « épidémie » a été créée de toutes pièces grâce à la manipulation sournoise de l’industrie phar-maceutique qui cherche sans doute bien plus à vendre des diagnostics que des pilules. Car vendre un diagnostic, et l’inquiétude que cela génère, pousse les gens à rendre visite à leur médecin pour demander la dernière pilule arrivée sur le marché. Il n’y a qu’à penser aux annonces des magazines et des médias qui défilent des listes de « symptômes » suffisamment vagues pour convaincre quiconque qu’il ou elle est « déprimée » ou autre et devrait consulter.

Le prix à payer pour tout cela (effets secondaires de médicaments sur-prescrits et coûts financiers) est énorme tant pour les individus que pour le système de santé. Tandis que les gouvernements font preuve d’aveuglement volontaire au sujet de la manipulation des essais cliniques, de la toxicité des médicaments et des gains libres d’impôt de l’industrie, ils se rendent complices de ce manège en coupant systé-matiquement dans les systèmes sociaux qui visent à prévenir une partie la détresse humaine (sécurité alimentaire, logements à prix abordable, options d’emplois, garderies subventionnées, services d’écoute et de soutien, etc.)

Vendre des pilules à la tonne n’est pas une façon de promouvoir la santé et le bien-être. Ce serait même plutôt le contraire. Et la documentation détaillée de la médicalisation et de ses mécanismes par l’auteur est une ressource nécessaire pour nous aider à résister aux tentatives des grandes pharmaceutiques à nous faire gober des pilules comme si c’étaient des bonbons.

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