Éditorial du numéro 90
Non aux consultations bidon
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À bâbord ! se positionne en appui aux luttes menées par divers regroupements autochtones pour la défense du territoire et l’affirmation de leur souveraineté. Le collectif dénonce tout particulièrement les consultations de façade qui se traduisent par le non-respect du consentement des nations qui habitent les territoires convoités par les industries extractives, privées comme publiques.
Ces consultations bidon sont une simple stratégie servant à donner une apparence de légitimité aux projets et aux profits qu’ils génèrent, même lorsque ceux-ci sont en violation directe des droits des Premiers Peuples tels que nommés dans la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones – ratifiée par le Canada !
À titre d’exemple, en juin dernier, la municipalité de Châteauguay approuvait le changement de zonage d’un terrain bordant la communauté de Kahnawà:ke, ouvrant la voie à des projets de développement immobilier d’envergure sur des territoires mohawks non cédés. Dans une tentative de calmer l’opposition mohawk, le maire sortant de Châteauguay, Pierre-Paul Routhier, employait le langage de la réconciliation pour demander au fédéral de racheter les territoires en vue de créer une zone « tampon » qui garantirait la « paix » et la « bonne entente » dans le cadre de « discussions de nation à nation »… Permettez-nous d’en douter : la bonne entente passe d’abord par la bonne écoute.
De manière encore plus décomplexée, le projet de rehaussement du réservoir de la Manicouagan par Hydro-Québec met en évidence le caractère superficiel des consultations menées auprès de la communauté innue de Pessamit. Le Conseil des Innus de Pessamit s’est insurgé de l’empressement d’Hydro-Québec d’approuver la montée des eaux sans mener une consultation véritable et de bonne foi et sans attendre de connaître les résultats des évaluations menées par la communauté sur les plans communautaire, technique et environnemental. En réponse, la porte-parole d’Hydro-Québec s’est contenté d’affirmer que la société d’État « continuait de solliciter les commentaires ou les préoccupations » de la communauté : si ça, ce n’est pas de la consultation de façade, on ne sait pas ce que c’est !
Nous voyons dans ces deux situations le reflet de l’analyse du centre de recherche Yellowhead Institute pour qui l’État, en prenant possession des territoires sans le consentement des communautés autochtones, renouvelle le colonialisme par l’extraction des ressources et le développement de territoires non cédés et volés. En effet, « l’économie [canadienne] a été construite sur la transformation des cours d’eau et des territoires autochtones en source de profit et de pouvoir national ».
Les États sont prolifiques dans le développement de manœuvres permettant de perpétuer la dépossession et l’exploitation du territoire : la consultation de façade est l’une de ces stratégies, comme le montrent les cas de Kahnawà:ke et du Nitassinan de Pessamit. En faisant des processus de consultation des formalités et en considérant l’obtention et le renouvellement du consentement comme facultatifs, les entreprises privées et les sociétés d’État traitent leurs obligations envers les nations comme de simples cases à cocher sur des formulaires d’accès au territoire et aux ressources.
Il est important de nous rappeler que nous bénéficions de ce système. Notre indifférence collective – le fruit de l’invisibilisation des causes et des luttes territoriales –, combinée à la négligence des sociétés d’État et des entreprises, donne du pouvoir à ces consultations de façade. C’est pour ça qu’elles fonctionnent.