Moi, c’est Tantale
André Marois et Julien Castanié, Moi, c’est Tantale, Montréal, Isatis, 2018, 56 pages.
Nous entendons de plus en plus, parler des métaux rares qui sont nécessaires aux technologies de pointe au cœur de notre quotidien. Il en va de même de l’obsolescence programmée de nos biens de consommation ainsi que de l’exploitation humaine, des enfants notamment, pour nous fabriquer un fatras de bidules branchés plus ou moins intelligents.
Moi, c’est Tantale aborde de front ces enjeux sociaux et écologiques : le métal y devient le personnage d’une histoire qui nous fait migrer avec les matières premières. Cet album jeunesse au large spectre nous fait cheminer de l’extraction du métal rare (par un gamin congolais de dix ans) à sa réduction en poudre au Japon, puis à son incorporation, en Chine, dans un minuscule condensateur avant de se retrouver redirigé vers une chaîne de montage de téléphones. Ça ne s’arrête pas là. En effet, il y a aussi un épisode européen dans lequel un jeune, au fil de sa curiosité, se conscientise, se politise et milite. Toutefois, son téléphone finit trop tôt à la casse et les composantes reprennent la mer vers l’Asie dans l’espoir d’une renaissance. Malheureusement, tout n’étant pas récupérable : vite à la décharge !
Le voyage que nous propose André Marois nous met dans la peau des enfants et souligne les écarts abyssaux entre eux et les jeunes occidentaux choyés. Les vifs dessins rouges et noirs de Julien Castanié présentent des traits charbonneux qui interpellent l’imagination au point de prolonger l’exploration de l’écrit. Question de poursuivre l’expérience, outre des pistes documentaires et d’actions proposées en annexe, nous en apprenons également encore sur le fameux Tantale. Ce personnage de la mythologie grecque qui, à l’instar de notre société hyper développée, fait office de splendide métaphore : vouloir encore et encore atteindre l’inaccessible – quitte à immoler sa progéniture pour y parvenir !