L’affaire Maillé. L’éthique de la recherche devant les tribunaux

No 078 - février / mars 2019

L’affaire Maillé. L’éthique de la recherche devant les tribunaux

Myriam Boivin-Comtois

Marie-Ève Maillé, L’affaire Maillé. L’éthique de la recherche devant les tribunaux, Montréal, Écosociété, 2018.

Dans L’affaire Maillé, la chercheuse Marie-Ève Maillé relate son épopée judiciaire. Durant ses études doctorales en communication à l’UQAM, l’autrice a étudié un groupe de citoyenne·ne·s mobilisé·e·s autour du projet éolien de l’Érable. La recherche de Maillé démontre, notamment, une détérioration du tissu social de la communauté. En 2013, des citoyen·ne·s s’engagent dans une action collective pour troubles de voisinage contre le projet de développement économique. À l’automne 2015, la jeune chercheuse est appelée à témoigner à titre d’experte et à produire sa thèse comme preuve documentaire au soutien de leur requête. L’autrice est attendue de pied ferme par les avocats mandatés par l’entreprise Éoliennes de l’Érable. Ceux-ci obtiennent du Tribunal qu’elle leur communique divers documents, dont des renseignements confidentiels sur les participants et les participantes recueillies dans le cadre de sa recherche ; c’est un précédent au Canada.

En vertu de l’Énoncé de politique des trois Conseils : Éthique de la Recherche avec des êtres humains du gouvernement fédéral, Maillé est tenue de protéger les données qui lui ont été fournies par les participants et les participantes de sa recherche et de ne pas les rendre publiques. Obéir au tribunal créerait une brèche monumentale dans les principes d’éthique du monde scientifique. Devant le refus de Maillé d’obtempérer, l’avocat du recours collectif retire son témoignage à titre de témoin expert. Néanmoins, l’entreprise insiste, et ce, en dépit des engagements éthiques qui lui incombent.

De plus, selon ladite politique du gouvernement fédéral, les établissements d’enseignement doivent soutenir les chercheurs et les chercheuses à respecter leur devoir de confidentialité. Or, comble de frustration, l’UQAM se défile et l’abandonne lâchement à son combat afin de protéger son image. La courageuse chercheuse n’a pas les moyens pour engager un·e avocat·e, alors elle doit se débattre pour trouver une personne acceptant de la représenter bénévolement. Elle réussit l’exploit, non sans avoir fait de nombreuses démarches. Après de longs mois, sous les pressions médiatiques, l’UQAM plie l’échine et décide de soutenir Marie-Ève Maillé dans le processus judiciaire. Ultimement, le jugement rendu par le magistrat donne raison à l’autrice.

Écrit sur un ton subjectif, avec une panoplie de détails, la saga judiciaire de Maillé est extrêmement poignante, mais aussi se lit comme un roman policier que le lecteur ou la lectrice dévore avidement. À lire, pour comprendre comment la recherche et ses principes sont remis en cause par les intérêts financiers des entreprises privées.

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