Changements climatiques. Échec des négociations et nouvelles rébellions

No 078 - février / mars 2019

Environnement

Changements climatiques. Échec des négociations et nouvelles rébellions

Xavier P.-Laberge

Chaque mois de novembre, nous espérons beaucoup de la préparation de la Conférence des parties (COP) à la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC) et puis, à la déception générale, la nouvelle tombe : nous poursuivons notre inéluctable course vers l’extinction.

C’est avec réserve que les spécialistes du climat, universitaires et activistes ont suivi les négociations de la COP 24 à Katowice, en Pologne. Cette COP devait permettre aux pays signataires de l’Accord de Paris sur le climat de la COP 21 de s’entendre sur ses règles de mise en œuvre. La rencontre suivait de peu un autre rapport encore plus précis que les précédents du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) sur les causes et les impacts des changements climatiques. Ce rapport est généralement considéré comme conservateur, car il nécessite l’approbation de nombreuses personnes membres du groupe. Par la suite, dans le Rapport aux décideurs [sic], il est corrigé et modifié au gré des critiques des fonctionnaires gouvernementaux et devient ainsi encore plus dilué et consensuel. Ce rapport déjà peu enclin aux envolées radicales demandait cette fois une réponse rapide et une transformation profonde de notre système afin de limiter le réchauffement global moyen à 1,5 °C. Selon ce rapport basé sur plus de 6000 recherches universitaires, nous nous dirigeons plutôt vers une augmentation de 3 °C à la fin du présent siècle, si les États respectent les engagements faits à Paris en 2015. Or, alors que ces 3 degrés d’augmentation auront des effets catastrophiques, peu d’États mettent en place les mesures nécessaires pour se limiter à cette hausse.

Qu’est-il advenu à cette 24e COP ? Peu de choses de l’aveu même du secrétaire général de l’ONU, António Guterres. Il a reconnu que «  les problèmes politiques clés restent non résolus » afin d’atteindre les objectifs de l’Accord de Paris. Certains pays freinent des discussions déjà très ardues. Les États-Unis, la Russie et l’Arabie saoudite ont décidé de refuser une motion accueillant favorablement le dernier rapport du GIEC. Ces trois pays contestent donc un rapport basé sur la science du climat et l’expertise mondiale sur le sujet. Le manque d’ambition des négociations internationales est dénoncé par la majorité des pays en développement, particulièrement par les États insulaires.

La résistance s’organise

Par conséquent, plusieurs activistes ont décidé de mettre davantage de pression sur les gouvernements en mettant en œuvre des actions plus radicales. Si la vaste majorité de ces actions restent non violentes, il n’est pas impossible que certains groupes dépassent cette limite si les gouvernements du monde restent sourds aux demandes de la société civile à l’égard des changements climatiques. Les actions ont jusqu’à présent ciblé des installations pétrolières ou des lieux symboliques afin d’obtenir l’appui populaire et faire des coups d’éclat. Au Canada, des membres de Greenpeace ont, par exemple, déployé une bannière géante sur la tour du stade olympique à Montréal et d’autres se sont harnachés sous le pont Ironworkers Memorial à Vancouver pour s’opposer au projet d’agrandissement de l’oléoduc Trans Mountain.

Au Royaume-Uni, un nouveau mouvement prônant des actions fortes pour lutter contre les changements climatiques a émergé. Le groupe, créé par le réseau anglais Rising Up !, se nomme Extinction Rebellion (XR)1 afin de montrer que nous commençons à manquer de temps et que nous nous dirigeons vers une extinction des espèces. Le logo du groupe est aussi percutant. Il s’agit d’un sablier dans un rond qui symbolise la planète. Créé il y a quelques mois à peine, XR revendique déjà plusieurs coups d’éclat à son actif. Ses membres ont bloqué des ponts, se sont collé·e·s à des clôtures et ont fermé des routes. L’organisation s’internationalise et est déjà présente dans plus de 35 pays. En Angleterre, elle a obtenu le soutien de plus de 100 professeur·e·s des grandes universités et de l’ancien archevêque à la tête de l’Église d’Angleterre.

Les demandes du groupe

Le gouvernement doit dire la vérité sur le climat et les urgences écologiques, mettre fin aux politiques incohérentes et collaborer avec les médias pour communiquer avec les citoyens.

Le gouvernement doit adopter des mesures juridiquement contraignantes pour réduire les émissions de carbone à zéro d’ici 2025 et réduire les niveaux de consommation.

On exige aussi la mise sur pied d’une assemblée nationale de citoyen·ne·s pour superviser les changements dans le cadre de la création d’une démocratie adaptée à ses objectifs.

Ces demandes ont, sans surprise, été taxées d’extrémistes et de radicales par certains médias et politicien·ne·s, ce qui n’a pas intimidé les écologistes qui veulent effectivement des actions radicales. XR se définit comme étant révolutionnaire et le groupe vise à changer le rapport de force entre les gouvernant·e·s et les gouverné·e·s. Des membres du groupe affirment même être prêts à faire des grèves de la faim et à être arrêtés par la police.

La rébellion s’organise aussi aux États-Unis. Au moment d’écrire ces lignes, plusieurs actions y étaient prévues dans les semaines et mois à venir. Il n’existe, pour l’instant, aucune filière canadienne du mouvement, mais, à la vitesse que se propage le mouvement, cela ne saurait tarder.

Optimisme à l’horizon ?

Après des années à tenter d’empêcher les changements climatiques par le lobbyisme et la politique, les mouvements écologistes semblent prêts à passer à une nouvelle étape dans leur militantisme et leur répertoire d’actions collectives. Si la majeure partie des pays en sont à s’adapter aux changements climatiques, les pays riches sont toujours dans la négation quant aux mesures concrètes à prendre pour atteindre les objectifs qu’ils se sont fixés. Un mouvement tel que XR pourrait bien être la solution au manque d’ambition des pays riches quant aux changements climatiques. La pression se doit d’augmenter, car, avec François Legault au Québec, Justin Trudeau au Canada et Donald Trump aux États-Unis, on ne peut s’attendre à des résultats suffisants sans des actions perturbatrices à travers le monde. Comme le démontre Extinction Rebellion, nous n’avons plus de temps à perdre.

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