Dossier : Abitibi. Territoire (…)

Dossier : Abitibi. Territoire des possibles

La seconde mine d’or

Guillaume Rivest

L’Abitibi-Témiscamingue, c’est l’archétype des régions éloignées de la province. On l’utilise à profusion dans les médias quand on veut parler du Québec rural. Quand on cherche à illustrer de petites villes vivant aux rythmes de l’exploitation des ressources primaires, avec des habitant·e·s qui vivent selon l’image qu’on se fait de la campagne québécoise, le mot « Abitibi » n’est jamais vraiment loin.

Paradoxalement, même si tout le monde connaît l’Abitibi-Témiscamingue, peu de gens peuvent se targuer d’y être venus. Des régions comme Charlevoix, le Saguenay–Lac-St-Jean, la Côte-Nord, la Gaspésie font partie d’itinéraires touristiques beaucoup plus populaires. Parce qu’ils sont plus près des grands centres ? Parce qu’ils peuvent s’inscrire dans un itinéraire plus large ? Peut-être bien.

Nous, pour venir nous voir, il faut avoir une raison : la famille, le travail ou un événement particulier. La réserve faunique de La Vérendrye est un mur, une barrière naturelle longue de 300 km constitués de conifères qui, contrairement à Saint-Jérôme, représentent réellement ce que l’on pourrait appeler « les portes du Nord ». Cette barrière naturelle nous isole et nous aide à développer notre propre identité culturelle et sociale. Depuis à peine plus de 100 ans, celle-ci s’est forgée à grand coup de pagaie, de hache, d’essouchage et de pioche dans la roche.

Ce cocktail de conditions a mené à quelque chose de beau. Les gens d’ici sont fiers, accueillants et chaleureux. La scène culturelle unique et effervescente fait de plus en plus parler d’elle un peu partout en province. Elle fait aussi notre fierté. On se sent différent et on le fait savoir haut et fort.

L’autre moitié du show

Pourtant, venir seulement pour profiter de la scène culturelle en Abitibi-Témiscamingue, c’est manquer la moitié du spectacle.

L’Abitibi-Témiscamingue, c’est aussi 22 000 lacs et rivières. C’est une densité de population de 2,2 personnes par km2. L’Abitibi, c’est la forêt boréale dans toute sa splendeur, dans son silence écrasant et sa nordicité.

Au Témiscamingue, on trouve des pins blancs centenaires et gigantesques, gardiens des dernières forêts laurentiennes laissées intactes malgré les siècles de bûchage. Le Témiscamingue, c’est également des milliers de lacs d’eau claire qui percent le territoire, lui donnant l’apparence d’un fromage gruyère lorsqu’on regarde les cartes.

L’autre moitié du show, elle se passe loin des projecteurs, dans un silence des plus total ; on l’apprécie sur le bord d’un lac, à côté d’un feu, en regardant un coucher de soleil d’une couleur extraordinaire. L’autre moitié du show, c’est d’être assis la nuit, dans la neige, en regardant la lune danser à travers les silhouettes noires des conifères ; c’est regarder un ciel étoilé qui n’est troublé par aucune pollution lumineuse.

Ce territoire et la relation que nous entretenons avec lui font de nous ce que nous sommes. Il module notre culture et participe à nous définir socialement. À titre d’exemple, les industries et les commerces tournent au ralenti durant la période de la chasse à l’orignal parce qu’une importante part des habitant·e·s de la région vont choisir d’aller passer deux semaines dans un camp au beau milieu du bois. Des cérémonies sont même organisées dans plusieurs municipalités pour souligner le départ à la chasse.

En Abitibi-Témiscamingue, il suffit de cinq minutes en voiture pour se trouver au milieu de la nature sauvage. Ici, tout le monde a accès à son propre kilomètre carré de nature, à son oasis de forêt personnelle, à son petit lac bien à lui. Ici, il est possible de partir en canot et, dans le silence des coups de pagaies, ne croiser personne pendant des semaines.

Ce lien que nous cultivons est de plus en plus rare. Des territoires sauvages de cette ampleur et accessibles, il en reste de moins en moins à travers le monde.

Cette richesse, il faut la conserver, la protéger et la mettre en valeur.

Nous sommes assis sur deux mines d’or : une au sens propre, soit le sol riche sur lequel repose l’Abitibi-Témiscamingue. L’autre au sens figuré : sa nature sauvage.

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