Dossier : Québec, ville plurielle
Inégalités sociales et environnementales. Portrait géographique à fine échelle
La distribution géographique des inégalités, qu’elles soient sociales, liées à la qualité de l’environnement ou encore à l’accessibilité aux services, n’est pas un phénomène qui relève du hasard.
Les études sur les inégalités adoptent fréquemment une échelle d’analyse très macroscopique, malgré le fait que leur analyse à l’échelle locale peut être très intéressante. Les inégalités sociospatiales peuvent être observées dans l’accès aux emplois et aux services, dans la qualité des logements et de l’environnement bâti, dans l’exposition de la population à des nuisances urbaines ou encore dans l’intégration territoriale à l’intérieur de la ville. Les causes et la magnitude du phénomène de différentiation spatiale dans la distribution des inégalités sont issues de l’histoire des luttes entre classes sociales.
Cartographier les inégalités
Puisqu’une image vaut mille mots et qu’une carte vaut probablement mille images, j’ai décidé ici d’illustrer graphiquement la distribution géographique des inégalités sociales et environnementales présentes dans la ville de Québec. À partir d’une approche par indicateurs à haute résolution spatiale, j’ai tenté d’estimer certaines dimensions du phénomène urbain en mettant en évidence les inégalités géographiques caractérisant le territoire de la ville de Québec. Ce dernier, pour les fins de la cartographie, comprend un territoire de 474 km2 divisé en 35 quartiers et une ville défusionnée (L’Ancienne-Lorette). Ce territoire est aussi divisé en aires de diffusion dotées de données, unités géographiques de Statistique Canada à laquelle les principaux indicateurs ont été calculés. Enfin, je me suis efforcé de dépeindre un tableau, malgré moi très incomplet, en présentant ici les variables dans une série de cartes choroplèthes (carte thématique où les régions sont colorées ou remplies d’un motif qui montre une mesure statistique) dressant le portrait de la distribution géographique des variables.
Densité des logements au km2
En plus d’être composée d’une couche estimant la densité de logements des unités du rôle d’évaluation foncière, cette carte contient des informations sur le nom, la localisation et la géométrie des quartiers de la ville de Québec.
1 L’Ancienne-Lorette ; 2. Cap-Rouge ; 3. Chutes-Montmorency ; 4. Cité-Universitaire ; 5. Des Châtels ; 6. Duberger-Les Saules ; 7. Jésuites ; 8. L’Aéroport ; 9. Lac-Saint-Charles ; 10. Lairet ; 11. Loretteville ; 12. Maizerets ; 13. Montcalm ; 14. Neufchâtel Est-Lebourgneuf ; 15. Notre-Dame-des-Laurentides ; 16. Plateau ; 17. Pointe-de-Sainte-Foy ; 18. Quartier 4-2 ; 19. Quartier 4-3 ; 20. Quartier 4-5 ; 21. Quartier 4-6 ; 22. Quartier 5-1 ; 23. Quartier 5-2 ; 24. Quartier 5-4 ; 25. Saint-Émile ; 26. Saint-Jean-Baptiste ; 27. Saint-Louis ; 28. Saint-Roch ; 29. Saint-Sacrement ; 30. Saint-Sauveur ; 31. Sillery ; 32. Val-Bélair ; 33. Vanier ; 34. Vieux-Limoilou ; 35. Vieux-Moulin ; 36. Vieux-Québec—Cap-Blanc—Colline parlementaire
Proportion des ménages locataires
Cette carte présente la proportion de logements privés occupés par un locataire au moment du recensement de 2016. Cela indique si le logement est possédé ou loué par un membre du ménage. Pour être considéré comme occupé, le logement privé doit être habité de façon permanente par une personne ou un groupe de personnes, ce qui exclut les chalets.
Ménages à faible revenu
La carte ci-dessus concerne la proportion de personnes ou de familles considérées comme étant en dessous du seuil de faible revenu au moment du recensement. La mesure de faible revenu après impôt (MFR-ApI) est un pourcentage fixe (50 %) de la médiane du revenu après impôt rajusté du ménage observé au niveau des personnes. Il s’agit d’une mesure souvent contestée, mais tout de même fréquemment utilisée faute de mieux, permettant d’estimer la dimension matérielle de la pauvreté à l’échelle d’unités de recensement. C’est dans les quartiers Saint-Roch, Saint-Sauveur et Maizerets où, au regard de la médiane, la proportion de ménages à faible revenu est la plus élevée. Le quartier de la Cité-Universitaire affiche lui aussi une valeur médiane de proportion de ménages à faible revenu particulièrement élevée comparativement aux autres quartiers de l’arrondissement Sainte-Foy Sillery de même qu’un intervalle interquartile très élevée. Cela est possiblement dû au fait qu’une proportion importante de la population de ce quartier est étudiante (proximité de trois cégeps et de l’Université Laval) ou est composée de personnes immigrantes ou issues de minorités visibles.
Îlots de chaleur
Dans la carte ci-dessus, on peut voir la proportion de logements cartographiés à l’aide des unités du rôle d’évaluation foncière qui sont inclus dans un îlot de chaleur par rapport au nombre total de logements présents dans l’aire de diffusion.
C’est dans les quartiers Saint-Sauveur, Saint-Roch et Saint-Jean-Baptiste que la densité résidentielle est la plus élevée. Sans surprises, c’est aussi dans ces quartiers où la proportion de logements situés dans un îlot de chaleur urbain est la plus élevée. On constate donc une association entre le phénomène de densité résidentielle et la proportion de logements situés dans un îlot de chaleur, ainsi que la proportion de ménages locataires.
Deux quartiers où la proportion de ménages locataires est particulièrement élevée sont Lairet et Vanier, deux entités géographiques qui sont aussi faiblement dotées en termes de proximité des soins de santé pour des quartiers situés en périphérie des quartiers centraux. Ce faible accès aux services contraint souvent les personnes résidentes à recourir au transport motorisé pour recourir aux soins.
Il est de plus en plus reconnu que les vagues de chaleur seront, dans les prochaines décennies, plus intenses, plus fréquentes et de plus longue durée. La présence d’îlots de chaleur urbains, généralement associée à une faible végétalisation du milieu et à une forte minéralisation des surfaces, vient amplifier les effets des épisodes caniculaires sur la santé. Les îlots de chaleur ont plusieurs impacts sur la santé publique, comme un accroissement des risques de décès ou d’hospitalisation.
Densité Airbnb
L’indicateur cartographié dans la carte ci-dessus permet d’estimer le niveau d’exposition de la population résidente à la nuisance urbaine qu’est Airbnb. Les impacts de cette entreprise sont multiples sur les individus comme sur les communautés : diminution du nombre de logements locatifs disponibles, augmentation du prix des loyers, hausse de la criminalité, changement de vocation de certains commerces, etc. Ici, pour chaque unité de recensement, nous avons calculé la proportion, exprimée en pourcentage, du nombre d’unités Airbnb. Les données ayant permis de localiser les Airbnb proviennent du site Inside Airbnb tandis que les logements ont été localisés à l’aide d’un fichier concernant les unités du rôle d’évaluation foncière. Ce phénomène se concentre particulièrement dans les quartiers du Vieux-Québec, Saint-Jean-Baptiste, Saint-Roch, Saint-Sauveur et Vieux-Limoilou. Il semble exister une forte hétérogénéité dans la distribution géographique d’Airbnb à Québec. Si dans certaines aires de diffusion du Vieux-Québec ou de Saint-Jean-Baptiste, la proportion de logements loués sur Airbnb peut dépasser les 10 %, celle-ci peut redescendre sous le seuil du 1 % pour certaines unités géographiques de ces quartiers. Les aires de diffusion présentant de fortes proportions de logements loués sur Airbnb sont possiblement situées à proximité d’attraits touristiques ou de services (bars, restaurants, boutiques, etc.) ou de portions de quartier dans lesquelles se déroule un processus de gentrification.
Accès aux soins de santé
Être éloigné d’un service de santé peut faire en sorte d’augmenter l’effort (en temps et en argent) du déplacement lorsqu’il y a nécessité de consulter un·e professionnel·le de la santé ce qui fait en sorte de rendre les soins moins géographiquement accessibles. Une conséquence importante d’un manque d’accès aux services de santé primaires est la renonciation aux soins de santé dans les moments de besoin et donc la potentielle aggravation de pathologies initialement bénignes. Il est facile d’imaginer qu’une bonne proximité de ces ressources est particulièrement importante pour les gens à mobilité réduite, ayant un revenu moindre ou n’ayant pas accès à un véhicule motorisé individuel. Les disparités dans l’accès aux services de santé contribuent aux inégalités de santé. La carte 4 illustre la distance sur le réseau routier, exprimée en mètres, du CLSC ou centre hospitalier le plus près. Les valeurs contenues dans cette carte peuvent être interprétées ainsi : plus la distance augmente en mètres, et plus l’accessibilité géographique aux soins tend à diminuer.