Les vaches savent nager

No 85 - automne 2020

Environnement

Les vaches savent nager

« Vivre dans l’attente d’un désastre environnemental appréhendé à l’échelle planétaire peut engendrer un sentiment de peur chronique. Ce désordre porte le nom d’éco-anxiété » [1]

Cher·ère·s éco-anxieuses et éco-anxieux, ne le prenez pas trop personnel, mais VOUS polluez. VOUS contaminez le sol, l’eau, l’air. VOUS mazoutez la vie. VOUS avez tué JFK, Jimmy Hoffa et la beauté du monde ! VOUS êtes des bêtes immondes, que nos bonnes corporations approvisionnent simplement selon votre demande. Cette culpabilité est une commandite de Coca-Cola, et ce, depuis 1960. Cette stratégie marketing, utilisée par tous les grands pollueurs du monde, consiste à mettre le problème de la pollution sur le dos du consommateur ou de la consommatrice pour en libérer les grandes entreprises. L’industrie de l’emballage de Coke, par exemple, va créer un lobby « vert » pour contrôler le message, les questions et orienter tout le débat vers les consommateur·trice·s. Ensuite, quand on veut régler un problème, on pointe le responsable, mais grâce à la magie de ce marketing, la corporation et la grande organisation économique disparaissent de l’équation. Pas besoin de contrôler la production de plastique, on doit simplement mieux gérer les déchets que VOUS causez, consommateur·trice·s barbares. Que Coca-Cola produise plus de 120 milliards de bouteilles en plastique ne l’incrimine en rien.

Parmi les vingt États émettant le moins de gaz à effet de serre à l’échelle mondiale, dix-huit sont des pays d’Afrique, dont le Nigeria, le Kenya et le Zimbabwe, qui ne dépassent pas la tonne annuelle de CO2 par habitant·e. D’après le Global Carbon Atlas, il suffirait d’à peine cinq jours à un·e Britannique pour émettre la même quantité de carbone qu’un·e Rwandais·e pendant une année entière. Autrement dit, un·e osti d’pauvre qui se fout de l’environnement pollue moins qu’un·e riche écolo. On se demande bien qui va sauver la croissance et la richesse.

Dans un manifeste intitulé « Millionnaires contre les fourches », on apprenait qu’« un groupe de millionnaires exhorte les riches du monde entier à payer plus d’impôts afin de réduire les inégalités sociales et de lutter plus efficacement contre le réchauffement climatique ». Ah... Vous êtes cutes. C’est bien essayé. À mon avis, vous avez juste compris que pour sauver la majorité, votre classe sociale doit être dépecée, désossée et compostée. J’irai faire du dumpster diving dans vos cercueils ! Politique zéro déchet. Votre réformette, c’est pour vous éviter la lutte des classes vertes. Je possède 4 milliards, mais j’accepte d’offrir 100 millions de plus en impôt. On appelle ça se serrer la ceinture Gucci. En échange, vous autres, keep calm and carry on ! Nous sommes sur le Titanic qui coule, l’orchestre est remplacé par des paramilitaires armés et la gang de Salut Bonjour qui nous divertit pendant le naufrage.

On va tous mourir, alors ? Ça, c’est un fait. Mais il nous reste une certaine emprise sur le quand et le pourquoi. J’ai lu dans le journal que trois vaches emportées par un ouragan ont été retrouvées vivantes sur une île. J’adore l’image de ce trio bovin pataugeant dans l’eau sur une dizaine de kilomètres. Je les imagine un peu matantes avec leur bonnet de bain, et fortes, se disant : « C’est pas aujourd’hui qu’on meurt, les filles ! Nage Rosette ! Lâche pas Blondie ! Vers la gauche Miss Calloway !  » Si des vaches non palmées ont pu nager comme des chevaux sur la soupe jusqu’à la terre et survivre, je me dis que tout n’est pas perdu pour les singes imberbes à chapeaux haut de forme toujours en retard que nous sommes.

« Les miracles existent. » (Marina Orsini)


[1Christina Popescu, doctorante en psychologie, citée dans Claude Gauvreau, « Êtes-vous éco-anxieux ? ». En ligne : www.actualites.uqam.ca/2019/etes-vous-eco-anxieux.

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