Dossier : Québec, ville plurielle
Places aux idées
Des lieux pour penser autrement. À Québec, deux librairies alternatives ayant pignon sur rue dans les quartiers Saint-Roch et Saint-Jean-Baptiste offrent au public un espace pour réfléchir collectivement. En plus de proposer des ouvrages sociopolitiques, elles travaillent à faire rayonner la pensée critique et la vie culturelle dans la capitale.
La page noire (710, rue Roy)
S’affichant franchement comme une bibliothèque et librairie anarchiste, la Page Noire est aussi un lieu de rassemblement pour des ateliers politiques et de créations artistiques. On peut donc y acheter certains livres et profiter des événements organisés sur place par des membres de la communauté, comme des conférences, des projections de documentaires ou des soirées de poésie. Il est aussi possible de s’y installer confortablement dans un divan et pour boire tranquillement son café en bouquinant à travers leur collection massive d’ouvrages sociaux et politiques.
Cette bibliothèque s’inscrit dans une mouvance politique qui va toutefois bien au-delà de la diffusion d’idées libertaires. Son histoire débute en 2002 lors de l’occupation d’un immeuble sur la rue de la Chevrotière pour dénoncer un projet de condos de luxe. Cette occupation, organisée principalement autour des enjeux du logement, a finalement donné lieu à l’émergence d’une multitude de projets, dont la librairie la Page Noire. Celle-ci a débuté dans le demi-sous-sol de l’immeuble occupé par les militant·e·s, qui voulaient offrir aux gens du quartier une bibliothèque promouvant des idées libertaires et anticapitalistes. Après le démantèlement du squat, quatre mois plus tard, la Page Noire a changé quelques fois de localisation pour finalement atterrir dans son local actuel.
Son mode d’organisation reflète aussi les pratiques anarchistes d’autogestion horizontale. Une dizaine de personnes bénévoles forment le collectif qui assure de façon consensuelle l’organisation de la bibliothèque et les tâches administratives. La bibliothèque fonctionne uniquement par les dons et les contributions volontaires de ceux et celles qui la visitent.
La Page Noire se veut donc un espace pour faire la promotion d’alternatives au capitalisme et à l’ordre politique actuel, à la fois par sa programmation et sa collection de livres, mais aussi par son histoire et son organisation.
Elle a malheureusement annoncé cet été que le local de la rue Roi fermerait ses portes au mois de septembre. Le collectif est à la recherche de nouveaux·elles membres et d’un nouvel espace pour relancer ce projet important !
Librairie St-Jean-Baptiste (565, rue St-Jean)
Bien plus qu’une librairie, il s’agit d’un lieu où on retrouve une communauté basée sur le dialogue. En ouvrant sa boutique en 2007, le propriétaire, David Mordret, voulait avant tout partager sa passion des romans classiques et intemporels ainsi que son intérêt pour les ouvrages de sciences sociales. Il a vite réalisé que sa librairie était aussi un espace où les gens prenaient le temps de discuter d’idées politiques et sociales. Après la transformation de la salle en café-bar, la mission de la librairie a évolué pour viser une plus grande cohésion sociale dans le quartier en valorisant l’échange d’idées.
Une grande salle ouverte a donc été aménagée pour permettre la discussion entre tous et toutes les convives qui y sont présent·e·s. Tout le monde entend les conversations de chacun·e, et tous et toutes sont les bienvenu·e·s pour s’y joindre. On a même fait le choix de ne pas avoir de musique dans la salle pour favoriser la communication entre les tables et les groupes. Pour David, c’est en échangeant et en confrontant ses points de vue avec ouverture d’esprit qu’il est possible de se comprendre malgré de profondes divergences politiques. De son discours ressort une volonté d’éducation populaire par la lecture et la confrontation des points de vue. C’est ce qu’il cherche à créer dans sa librairie.
La librairie est aussi un lieu de diffusion culturelle axée sur la relève artistique. Elle propose des expositions et des événements musicaux ; il est fréquent de pouvoir y entendre des conférences, et l’Université populaire y a aussi tenu ses activités.
Un lieu culturel central pour la ville de Québec où la littérature, les arts visuels, la musique et la politique se côtoient autour d’une bière. Pour David, sa librairie est une maison de jeunes pour adultes visant à affuter l’esprit critique !