Culture du viol
En finir avec les contes de fées
Alors que le débat sur la culture du viol prend enfin sa place dans la sphère publique, certaines voix s’élèvent pour défendre le caractère inaltérable des rapports hommes femmes : « c’est comme ça, on ne peut rien y faire ». Devant cette manie de culpabiliser les filles et de croire que l’agression sexuelle est dans la nature, on se demande à quoi on tient, au juste… il ressort que ce fétiche, c’est l’organisation d’un monde qui repose sur sa division entre les hommes et les femmes.
Si on ne saisit pas la balle au bond pour dénoncer la culture du viol, c’est parce qu’on tient aux choses telles qu’elles sont. On préfère entretenir le mythe du « un gars c’t’un gars » et avaliser l’idée que le gars en question n’a aucun contrôle sur ses pulsions. On préfère continuer à voir les femmes non seulement comme de potentielles, mais comme de nécessaires victimes. On tient à cette fiction romantique qui distribue les rôles et fait des hommes des sujets conquérants, des femmes, des objets à conquérir, fondement même de cette culture du viol, qui en est le débouché le plus violent. Pour préserver le monde tel qu’on le connaît, certain·e·s semblent prêt·e·s à nous sacrifier. Nous, c’est-à-dire tout le monde, pas seulement les femmes.
Dénoncer la violence sexuelle envers les femmes, c’est refuser l’existence d’un monde où les hommes agressent et les femmes sont agressées, comme si c’était un état de choses naturel, un monde qui serait là pour rester. Si les statistiques montrent que cet état des choses est bien un état de fait, il s’agit de travailler à l’ébranler. Revoir l’histoire où une belle princesse est allongée, endormie, et que malgré (ou à cause de) cette absence à soi, un prince se donne le droit de « l’embrasser ». Parler de la culture du viol, ce n’est certainement pas enfoncer le clou d’un « ils vécurent heureux et eurent beaucoup d’enfants » malgré tout. Ça a plutôt pour but de changer les mentalités pour libérer les femmes, autant que les hommes, des rôles qui leur sont socialement attribués.
Est-ce qu’on craint la dissolution de la différence sexuelle ? Vraiment ? Si les hommes cessent d’agresser et les femmes d’être agressées, aurons-nous perdu quelque chose ? Est-ce qu’alors on ne saura plus qui est qui, et ce que chacun doit faire ? Il semble pourtant que ce qu’il faut se demander, c’est : tenons-nous, sérieusement, à de tels rôles ? Est-ce que ça ne vaut pas la peine, plutôt, de les changer ?
Nous souhaitons que les femmes, quelles qu’elles soient (peu importe leur biologie, la couleur de leur peau, leur orientation sexuelle, leur classe sociale), aient la liberté de circuler dans la ville sans avoir peur d’être des proies. Et que les hommes puissent s’imaginer autrement que comme des prédateurs ; qu’ils apprennent à considérer les femmes autrement que comme des trophées.
La base de la culture du viol, c’est une culture qui dicte à chacun·e la place qu’il ou elle doit occuper. Pour qu’il y ait moins d’agressions sexuelles, pour qu’on puisse un jour cesser de parler de « culture du viol », il faut d’abord et avant tout que les individus puissent choisir de revêtir ou pas les costumes qui leur ont été distribués. Il faut cesser de rêver à des fictions qui jusqu’ici ont eu pour effet de nous déterminer. Il est temps d’en inventer d’autres, où les hommes comme les femmes d’aujourd’hui seront acteurs et actrices des scénarios dans lesquels ils et elles veulent jouer. Sans violence. En toute complicité. Et consentant·e·s.