Éditorial du numéro 66
Changer et rester soi-même
Depuis la crise financière de 2008, le capitalisme n’a pas eu à produire de nouvelles idées pour assurer sa domination et continuer à approfondir les inégalités à travers le monde. Les politiques d’austérité s’imposent par la force ; les seules idéologies qui plaisent encore à l’oligarchie sont celles qui canalisent le sentiment d’injustice vers la haine de l’autre : la musulmane, le Mexicain, le queer, l’Autochtone, la syndiquée, le réfugié. Pour les forces de gauche, cette stagnation idéologique est paradoxalement une opportunité à saisir pour se faire entendre et mettre de l’avant leurs idéaux. Pour cela, la vitalité de nos espaces médiatiques est un enjeu de première importance. Les idées comptent ; il faut les défendre et les promouvoir.
On ne cesse de le répéter, les médias dominants sont confrontés à une crise quasi existentielle. Plus que jamais, afin de s’assurer une plus grande fidélité de leur public, ils surfent sur les sujets les plus populaires, ceux qui leur procurent le nombre le plus élevé de clics et de partages, selon les nouvelles méthodes pour calculer les audiences. Devant faire face à d’énormes compressions budgétaires, ils délaissent les enquêtes approfondies pour essayer de couvrir le plus vite possible ce qui vient tout juste d’arriver.
D’où la pertinence toujours plus grande d’un journalisme entièrement libre, qui ne dépend ni de la publicité ni de subventions contraignantes. On peut donc se réjouir de voir les médias indépendants québécois connaître une période de renouveau stimulante. Ceux-ci sont aujourd’hui nombreux et combatifs. Ils évoluent souvent dans l’incertitude, mais se renforcent constamment de celles et ceux qui choisissent de s’y impliquer. Leur diversité, malgré des conditions d’existence difficiles, montre bien à quel point ils sont indispensables.
Nous n’avons jamais adhéré à cette idée selon laquelle les médias alternatifs « prêchent à des converti·e·s » : il est important pour les militant·e·s progressistes d’avoir des espaces de dialogue et de convergence. Néanmoins, le terme « alternatif » peut nous confiner à une sorte de marginalité volontaire, alors que l’épuisement du système dominant devrait nous inciter à être plus ambitieux. Déjà, les liens se font plus forts, les gens œuvrant dans ces différents médias se parlent, discutent des problèmes communs, dont celui particulière-ment épineux de la distribution – notamment à l’extérieur des grands centres. Se fait également sentir le besoin de se rapprocher, alors qu’il est si important de rassembler les luttes, comme nous le mentionnons dans le dossier thématique de ce numéro.
À bâbord ! fait peau neuve
De son côté, À bâbord ! amorce sa quatorzième année de publication. Depuis quelques années déjà, nous souhaitions revoir la facture visuelle de la revue. C’est maintenant chose faite ! Le collectif est très fier du résultat : la revue comporte maintenant 80 pages plus aérées et en couleur. Notre site web a également été revu de fond en comble.
Mais pas question pour nous de changer quoi que ce soit dans son contenu ! À bâbord ! restera tout aussi subversive, l’empêcheuse de tourner en rond, la contradictrice des discours officiels. Nous poursuivons les mêmes objectifs : rendre compte des luttes sociales, susciter des débats parmi la gauche, approfondir notre compréhension critique du monde. Ou comme nous le disions dès notre fondation en 2003, « appuyer les efforts de celles et ceux qui dénoncent les injustices et organisent la rébellion ».
Au moment où la presse écrite se voit confrontée à d’importants chambardements, nous connaissons une croissance qui nous permet de regarder l’avenir avec optimisme. Sans doute le Québec a-t-il besoin d’exprimer son indignation et de partager ses aspirations pour un autre monde à construire au quotidien. Afin de diffuser et de propager nos luttes au plus grand nombre possible, À bâbord ! fait peau neuve.
Plus que jamais, votre soutien est essentiel dans cette transition. Nous espérons que ce nouveau souffle plaira à nos abonné·e·s et suscitera un engouement auprès de nouveaux publics, dans le but d’élargir la portée des idées et valeurs que nous défendons. Parlez de nous à votre cousin·e, votre collègue, aux employé·e·s de votre café du coin... Surtout, nous espérons, comme toujours, porter un discours qui alimentera les combats à venir.
À vous de nous suivre et de nous appuyer dans notre nouvelle aventure !