Présentation du dossier
Syndicalisme : l’heure des choix
Mondialisation des échanges, concurrence internationale, délocalisations, gestion par flux tendus, production « juste à temps », gestion participative, tertiarisation de l’économie, privatisations des services : tous ces facteurs rappellent l’ampleur des changements intervenus dans les réalités du monde du travail depuis deux décennies. Ils rappellent aussi, par le fait même, l’ampleur ainsi que la nouveauté des défis auquel fait face aujourd’hui le mouvement syndical.
Pour les affronter, il est raisonnable de penser que celui-ci devra vraisemblablement de manière substantielle, se redéfinir, repenser son action et revoir ses priorités. Le présent dossier est une invitation à explorer quelques-unes des grandes questions qui, dans ce nouveau contexte, se posent aujourd’hui au mouvement syndical.
Les textes qui le composent sont ventilés en deux sections : Nouveaux combats, d’abord ; Prospectives, ensuite.
La première section s’ouvre sur un texte d’Isabelle Renaud qui se penche sur l’important dossier du travail atypique. Elle rappelle sa prépondérance, souligne le retard accumulé par les centrales dans la syndicalisation de ces travailleuses et travailleurs.
Roberto Nieto prolonge cette réflexion en analysant le cas des travailleurs agricoles migrants mexicains et leurs tentatives de syndicalisation. Il montre notamment comment ces tentatives se heurtent à de pitoyables tactiques et manigances de toutes sortes.
Dans un troisième texte, Normand Pépin dresse un portrait de la présence syndicale au Québec. Il met notamment en évidence le défi que représente la syndicalisation du secteur privé. Deux cas sont ensuite examinés : la récente grève chez Renaud-Bray et l’antisyndicalisme éhonté de Wal-Mart, le « plus grand employeur privé au monde ».
De son côté, Jean-Marc Piotte analyse les difficultés des relations de travail dans le secteur public en dressant le bilan de la dure et longue grève menée à la SAQ.
Nicole de Sève conclut cette partie en examinant justement les principaux aspects de l’assaut contre le syndicalisme lancé par l’actuel gouvernement libéral. Comment faire face à ces défis, immenses, et dont les textes qui précèdent ne donnent qu’un aperçu ?
La deuxième section du dossier propose trois pistes de réflexion.
Dans un texte riche et informé, Raymond Favreau aborde les Fonds syndicaux et s’interroge sur leur pertinence aujourd’hui. En tant que sociétés à capital de risque, quels sont les objectifs poursuivis par ces Fonds syndicaux ? Comment concilier le rendement et la valeur des actions avec la création d’emplois et l’amélioration des conditions de travail ? Dans un contexte où l’impératif de la rentabilité prédomine sur la solidarité ouvrière, les actifs des Fonds syndicaux placés à la Bourse se retrouvent de plus en plus dans des fonds spéculatifs risqués et pas toujours éthiques. Une remise en question de ce partenariat entre les Fonds syndicaux et le monde des affaires s’impose.
Gaétan Breton poursuit la discussion en se plaçant dans une large perspective macrosociologique pour constater la très grande puissance – économique, idéologique et propagandiste – de la machine patronale. Il déplore la tendance d’une dérive vers un syndicalisme consentant à son propre recul avant d’en appeler à un syndicalisme de combat.
Comment aller dans cette voie ? Il s’agit là, convenons-en, d’un très difficile problème. En l’analysant, Normand Baillargeon et Chantal Santerre décèlent pour leur part une contradiction structurelle au cœur de l’action syndicale et proposent de chercher à la résoudre par la création d’institutions inspirées de ces Bourses du travail qu’avaient imaginées les anarcho-syndicalistes.
C’est sur cette modeste proposition que se referme ce dossier. Son ambition aura été atteinte s’il a pu contribuer, un tant soit peu, à la réflexion sur des questions graves et cruciales et que la gauche ne peut, en aucun cas, se permettre de négliger.