H.D. Thoreau
Journal (1837-1861)
lu par Normand Baillargeon
H.D. Thoreau, Journal (1837-1861), Terrail, Paris, 2005.
Le journal de Thoreau nous est rendu !
Le poète et essayiste Henry David Thoreau (1817-1862) est né et a vécu à Concord, au Massachusetts. Avec Ralph Waldo Emerson, il a été l’un des plus influents membres du mouvement transcendantaliste – qui est un mouvement à la fois littéraire et philosophique exaltant la nature, un peu à la manière du romantisme européen.
Outre son appartenance à ce mouvement, Thoreau est aujourd’hui relativement bien connu pour deux œuvres principales : d’abord pour un percutant essai intitulé La désobéissance civile, publié en 1849 ; ensuite pour cette expérience solitaire de vie dans les bois qu’il mène à Walden Pound à partir de 1845 et qui durera deux ans. Il la rapportera dans Walden ou la vie dans les bois, une œuvre classique de la littérature écologiste, publiée en 1854.
Par ces livres, Thoreau apparaît comme une sorte de précurseur de l’écologisme, de la contre-culture, de la simplicité volontaire ainsi que d’un certain anarchisme lyrique. Mais il fut aussi et peut-être surtout un écrivain majeur. Sa vie durant, il a tenu un journal et sa publication en anglais demande de nombreux volumes.
Ce journal fut d’abord pour Thoreau un simple lieu de notation d’événements et de ses réactions à ceux-ci. Puis, il devint peu à peu un banc d’essai pour ses idées jusqu’à devenir une œuvre créatrice à part entière.
Des extraits de ce monumental journal ont été publiés en français en 1930 (aux éditions Boivin à Paris), mais le livre était désormais introuvable.
C’est ce même livre de 1930 qui nous est aujourd’hui rendu par les éditions du Terrail, lesquelles ont eu la lumineuse idée de confier à un peintre (Willy Cabourdin) et à une photographe (Anne Sol) le soin de l’illustrer. Il en résulte un très bel objet et les illustrations ajoutent au texte magnifique de Thoreau une émotion profondément juste.
Ce qui domine toutefois dans ces pages, ce sont bien entendu la pensée de Thoreau et sa démarche, attentive à l’intimité de sa propre voix, à sa vérité singulière, qu’il découvre dans le rapport qu’il entretient avec une nature sublimée avec laquelle il se confond finalement : « C’est dans les bois que j’aimerais trouver l’homme », écrit-il.
Il s’échappe ainsi de ces pages, à la fois personnelles et impersonnelles, une sorte d’aura de mystère, qui fait sans doute une grande part de leur charme et de leur beauté. Thoreau en donne peut-être une clé dans cette entrée de novembre 1857 : « Une grande vérité, même vaguement suggérée, nous émeut plus qu’une vérité médiocre complètement exprimée ».
Le livre se vend une quarantaine de dollars : mais compte tenu de sa grande beauté, ce prix n’est pas excessif.