Énergie
Le projet Rabaska ferait-il partie de l’agenda du Partenariat pour la sécurité et la prospérité ?
par Antoine Descendres
Dans le cadre du Partenariat nord-américain pour la sécurité et la prospérité (PSP) [1], certaines « avancées » ont déjà été faites dans plusieurs domaines. Le projet de multiplier par 4 ou 5 la production des sables bitumineux albertains sur une période relativement courte en est un exemple. Ce projet répond en grande partie à un besoin états-unien de diversifier les sources d’approvisionnement en pétrole, les gisements actuellement exploités par ce pays étant souvent situés dans des régions « instables » du monde. L’approvisionnement énergétique sécuritaire des États-Unis est devenu l’un des éléments centraux de la National Security Strategy, la stratégie nationale de sécurité, établie par les États-Unis en 2002. La rencontre des 24 et 25 janvier 2006, à Houston (Texas), entre les patrons de l’industrie pétrolière états-unienne, les dirigeants des grands projets d’exploitation des sables bitumineux et des représentants des gouvernements des États-Unis, du Canada et de l’Alberta a été un moment crucial dans la mise en place de ce méga projet. Le rapport de cette rencontre établit clairement que les discussions ont eu lieu dans le cadre du PSP.
Le projet Rabaska serait, selon plusieurs, lié en partie à cette politique pétrolière d’exportation. Il faut savoir que le gaz naturel constitue une importante composante du processus d’extraction du pétrole des sables bitumineux. Ainsi le gaz de Rabaska, destiné à la consommation du Québec selon les promoteurs, viendrait libérer celui qui est actuellement importé d’Alberta par le Québec. De plus, Rabaska pourrait servir, dans une logique de respect de l’ALÉNA, de réserve de gaz naturel en cas de carence au niveau des exportations vers les États-Unis. Effectivement, l’article 605a du chapitre 6 de l’ALÉNA oblige un pays exportateur de produits énergétiques ou pétrochimiques à fournir le pays importateur à un niveau constant et ce, même s’il est en pénurie de ce produit donné. Or, entre 1990 et 2002, les exportations canadiennes de gaz naturel ont connu une importante croissance, passant de 1 400 à 3 100 Gpi3. Le projet Gros-Cacouna, qui aura pour rôle avoué de fournir le marché états-unien, contribuerait lui aussi à expliquer l’existence du projet Rabaska, selon la logique de l’ALÉNA.
L’ouverture de la filière gazière au Québec s’inscrit donc dans cette logique d’intégration nord-américaine propre à L’ALÉNA et au PSP. De là à dire que le projet Rabaska fait parti de l’ordre du jour des comités fantômes du PSP, il y a une marge. Cependant, il est plus que jamais tentant de franchir cette marge maintenant que la famille Desmarais, tout en ayant le privilège de siéger sur le Conseil nord-américain de la compétitivité (CNAC) [2] – Paul Desmarais Junior y représente Power Corporation –, est actionnaire de la compagnie Gaz de France-Suez, l’un des trois promoteurs impliqués dans le projet Rabaska. Parions que les relations entre Paul Desmarais Jr et Richard Lee George, PDG de la compagnie impliquée dans l’exploitation de sables bitumineux Suncor Energy, continueront de se réchauffer au sein du CNAC. Malheureusement, nous ne lirons cette histoire ni dans le Soleil, ni dans la Presse, deux possessions de l’empire Power Corporation…
Mémoire des AmiEs de la Terre de Québec sur Rabaska
[1] Sur le PSP, lire « Le partenariat nord-américain pour la sécurité et la prospérité, un complot légalisé », par Normand Pépin (AB ! # 21, oct. / nov. 2007) et « Le PSP : diplomatie patronale », par Claude Vaillancourt (AB ! # 26, oct. / nov. 2006).
[2] Le Conseil nord-américain de la compétitivité (CNAC) est composé de représentants de 10 grandes compagnies de chaque pays qui établissent l’ordre du jour des réunions des ministres et de celles des chefs d’État. Le fonctionnement du CNAC est expliqué dans l’argumentaire du Réseau québécois sur l’intégration continentale (RQIC) : voir www.rqic.alternatives.ca.