Présentation du dossier du numéro 87
La police, à quoi ça sert ?
Depuis l’annonce de la mise en place d’un couvre-feu en janvier dernier, le premier ministre François Legault et la ministre de la Sécurité publique Geneviève Guilbault n’ont cessé de réitérer leur confiance dans le « bon jugement » des policier·ère·s. Pourtant, le mois précédent, notre Bon Père de Famille se faisait sévèrement rabrouer par les forces de l’ordre pour avoir affirmé que c’était « chez certains policiers » où « il y a le plus » de racisme. Monsieur Legault s’est rapidement excusé, et à plusieurs reprises : il était impensable de se mettre à dos l’institution qui constitue un pilier de son approche de lutte à la pandémie.
De fait, la dernière année nous a permis de constater de façon souvent brutale à quel point la logique policière est intégrée à notre société. Si la lutte à la pandémie implique nécessairement des mesures sanitaires essentielles, il est bien établi que ces consignes sont davantage suivies si elles s’accompagnent de mesures ambitieuses de soutien social et communautaire. Or, l’approche paternaliste et conservatrice de la Coalition Avenir Québec (CAQ) l’amène plutôt à opter pour des mesures coercitives et punitives, donnant ainsi le beau rôle à la police.
Ce choix est d’autant plus frappant que la police est l’objet de critiques de plus en plus nourries, profondes et partagées, et ce, tant au Québec qu’ailleurs. Les réponses punitives et le contrôle policier sont de plus en plus rejetés alors que des solutions communautaires pour faire face à de nombreuses problématiques sociales sont mises de l’avant. Le profilage racial, le profilage social de l’itinérance, la répression de certaines manifestations ou encore la dangereuse inadéquation des interventions policières dans des situations de crise de santé mentale, d’utilisation de drogues, ou de violences à caractère sexuel par exemple, devraient nous amener à repenser le rôle de la police.
De tels enjeux sont au cœur de ce dossier. À qui et à quoi sert la police ? Comment s’est-elle déployée et comment sa logique s’est-elle diffusée dans nos sociétés ? Quel « ordre » et quelle « sécurité » maintient-elle ? Quelles sont les critiques dont elle fait l’objet ? Et surtout, que faire de cette institution ?
Si, dans certains cas, la réponse s’oriente davantage vers une surveillance critique, d’autres penchent vers le définancement de l’institution et la redistribution des fonds dans des initiatives et des supports communautaires mieux adaptés aux réalités sociales. Finalement, les arguments abolitionnistes sont aussi développés : on est encore peu familier·ère·s au Québec avec ce genre de discours, mais il y a là matière à réfléchir afin d’imaginer une société exempte de la violence, de la répression et de la surveillance policières.
Coordonné par Adèle Clapperton-Richard, Philippe de Grosbois, Philippe Néméh-Nombré et Ramon Vitesse
Avec des contributions de Marie-Livia Beaugé, Adèle Clapperton-Richard, le Collectif Montréal sans profilage, Benoît Décary-Secours, Joëlle Dussault, Philippe de Grosbois, Mariame Kaba, Marlihan Lopez, Alexandre Popovic, Ted Rutland et Ramon Vitesse