Chiara Bonfiglioli et Sébastien Budgen (dir.)
La planète altermondialiste
lu par Claude Vaillancourt
Chiara Bonfiglioli et Sébastien Budgen (dir.), La planète altermondialiste, Textuel, Paris, 2006.
L’autre face du monde
Une grande partie des acteurs du mouvement altermondialiste se considèrent d’abord et avant tout comme des militantes. Beaucoup de ces gens travaillent à inventer un monde meilleur, et non pas à créer un courant de pensée détaché de l’action, à construire des théories sans prises directes sur la réalité. Pourtant, La planète altermondialiste, coordonné et présenté par Chiara Bonfiglioli et Sébastien Budgen, prend le parti de présenter l’altermondialisme comme un mouvement intellectuel large, qui s’appuie sur la pensée souvent très élaborée de plusieurs penseurs, et dont il devient nécessaire de résumer, d’expliquer et de critiquer les travaux. Le livre permet à 18 auteurs d’écrire chacun un compte rendu de la pensée d’un des 18 militants et penseurs retenus.
Il va de soi qu’un tel projet ne risque pas de faire l’unanimité. D’abord, le choix des personnalités altermondialistes sélectionnées pose forcément un problème. Un effort réel a été accompli pour représenter le mouvement dans sa diversité. Mais les oublis sont inévitables ; on pense par exemple à Ricardo Petrella, Maude Barlow, Jean Ziegler. Peut-être aurait-il été plus convenable de montrer une vision plus large du mouvement et d’élargir la sélection d’auteurs.
De plus, les commentaires critiques ont souvent des teneurs très diverses. Certains sont très virulents, par exemple ceux concernant Toni Negri, Bernard Cassen et Vandana Shiva, alors que d’autres sont indulgents. Ces prises de position ne donnent pas l’impression de correspondre à une vision éditoriale cohérente ; elles semblent relever du hasard de l’attribution des textes et de l’affinité des commentateurs avec l’œuvre des auteurs dont ils doivent rendre compte. Pour une meilleure unité d’ensemble, peut-être aurait-il fallu éliminer cette dimension critique, donnant une trop large part à la subjectivité et à l’aléatoire, et laisser le lecteur forger son opinion à partir des résumés, en général très bien faits, de la pensée des auteurs.
Le livre reste malgré tout très utile. Peu d’ouvrages offrent un tel panorama de la pensée altermondialiste et résument de façon aussi efficace la multiplicité des prises de position reliées à ce mouvement. Les synthèses offertes dans ce livre demeurent une excellente introduction pour ceux qui cherchent à comprendre l’altermondialisme, un outil utile qui permet de clarifier les différentes orientations du mouvement pour ceux qui en ont déjà une bonne connaissance.
Et surtout, ce livre offre un véritable kaléidoscope d’analyses, d’alternatives et de propositions multiples pour construire un meilleur monde ; il vient faire mentir le préjugé tenace selon lequel les altermondialistes n’auraient que des critiques à formuler et rien à avancer.