Ramor Ryan
Clandestines. The Pirate Journals of an Irish Exile
lu par Louis-Frédéric Gaudet
Ramor Ryan, Clandestines. The Pirate Journals of an Irish Exile, Oakland, AK Press, 2006
Carnets de clandestin
Les mouvements altermondialistes ont inspiré un nombre particulièrement impressionnant de cinéastes, de journalistes, d’auteurs et d’universitaires ayant envahi les écrans, les librairies et les conférences avec leurs documentaires, leurs livres et leurs thèses chocs sur le renouveau de l’action militante radicale. Rares étaient, jusqu’à maintenant, les acteurs du mouvement à prendre une pause des mobilisations successives afin de transmettre leurs histoires, récits et aventures dans une forme dépassant le simple commentaire. Avec la publication de Clandestines, Ramor Ryan vient combler ce vide.
Amalgame de récits et d’histoires courtes prenant la forme d’une poésie anticapitaliste, Clandestines est l’œuvre d’un militant aguerri, au regard utopiste, dont l’analyse politique s’est développée au cours d’expériences phares de la gauche radicale des 20 dernières années. Révélant des pans d’histoire quotidienne de révolutions et de mouvements contestataires, le livre de Ryan se dresse en cartographie autocritique de zones de résistance, nous entraînant dans les actions directes du mouvement squat allemand, dans les méandres de la révolution sandiniste, en passant par l’appui au mouvement de libération kurde, les grands rassemblements antimondialisation et le travail au sein des communautés de base zapatistes. Dans les dédales de son parcours, les histoires de l’auteur tracent les résultats d’une mondialisation par le bas et de la recherche de nouvelles communautés politiques où un autre monde est possible.
Davantage qu’une série d’anecdotes, l’ouvrage est le fruit d’un tricotage d’observations fines et colorées à propos de l’absurdité du monde, relayées par une analyse politique qui sait donner vie à d’humbles personnages, damnés de la terre, qui évoluent aux frontières de l’histoire officielle, dans des coins reculés, refoulés, oubliés. La beauté du texte de Ryan tient aussi et surtout à la forme qu’il sait donner aux forces invisibles et aux pressions sociales qui façonnent, répriment ou tentent d’anéantir ce qui nous reste d’humanité. Une écriture qui n’est pas sans rappeler la prose pleine de sens et d’émotion d’un Eduardo Galeano.
À travers les péripéties de Ryan, on sera inspiré par l’instinct du rebelle en quête d’actions concrètes et de partage avec ses contemporains. On retiendra également l’appel de la liberté qui, issu des luttes pour la libération nationale, évolue au fil des expériences politiques, prenant la forme d’un engagement sans cesse renouvelé et dynamisé par une analyse et une pratique inspirées de l’anarchisme. Particulièrement éclairant pour nous, au Québec.