Présentation du dossier
Médias, journalisme et critique sociale
Un dossier coordonné par Claude Rioux, illustré par Louis et Denis Rémillard
Les les médias et le journalisme aiment se présenter comme l’expression de l’idéal de la sphère publique, un lieu de délibération et de prise de conscience des enjeux collectifs marqué par la rationalité, l’accessibilité et la transparence correspondant au modèle de l’agora démocratique. À gauche cependant, domine la critique de l’appareil idéologique et propagandiste, analysant l’usage que font les élites politiques et économiques des médias, utilisés comme instruments producteurs de consentement dans la lutte idéologique pour l’hégémonie. Les médias sont souvent assimilés à l’un des nombreux outils dont disposent ces élites pour maintenir leur domination sur la société. Entre ces deux pôles du continuum, une analyse approfondie peut faire apparaître une myriade de nuances.
La majorité des médias canadiens appartiennent à d’importants groupes privées (Power Corporation, Quebecor, CanWest, BCE, Rogers), lesquels brassent également des affaires dans d’autres secteurs de l’économie. Non seulement ces entreprises défendent-elles leurs intérêts dans leurs médias, mais ces derniers diffusent une information globalement favorable à l’initiative privée, sont procapitalistes et préconisent un style de vie axé sur la consommation et le marché. Cette orientation est le fruit d’une dynamique complexe passant par l’exercice de l’autorité des patrons de presse eux-mêmes, la marchandisation de l’information, la concentration des médias et l’omniprésence de la publicité.
La mondialisation capitaliste et la précarisation de la main-d’œuvre qui en découle touchent également la profession journalistique, laquelle vit actuellement une profonde crise à la fois d’identité, du sens et des valeurs, qui compromet la qualité d’une information plus que jamais nécessaire à la vie démocratique. Que ce soit au sein même des médias mainstream ou à l’extérieur de ceux-ci, dans les médias alternatifs ou autonomes, des journalistes et des médias-activistes tentent de pratiquer un journalisme intègre, de subvertir les médias ou d’en fonder de nouveaux, plus « libres », ou encore de se servir des médias pour opérer ou promouvoir de profonds changements sociaux.