Serge Halimi
Les Nouveaux chiens de garde
lu par Lucie Mercier
Serge Halimi, Les nouveaux chiens de garde, Paris, Liber-Raisons d’agir, 1997 (réédition 2006)
Les journalistes servent les intérêts des maîtres du monde, telle est la thèse défendue par Serge Halimi dans cette plaquette au style percutant. C’est en mettant en perspective les formules des journalistes les plus en vue, ces nouvelles vedettes des médias télévisuels autant qu’écrits, que l’auteur analyse le rôle des médias et des journalistes dans la montée de la pensée unique. Halimi identifie les tactiques utilisées, aussi nombreuses que variées : débats factices entre invités partageant les mêmes idées ; distribution inégale du temps de parole entre camps adverses qui parfois s’affrontent ; rengaines antisociales à répétition sous prétexte de s’en prendre à des « tabous ». Il débusque aussi cet univers de connivences qui fonctionne sur la base de réseaux d’intérêts et d’amitiés, sur le cumul des fonctions et qui n’écarte pas les conflits d’intérêts.
Contrairement aux idées reçues, le journalisme n’est pas indépendant : il répond à des rapports de pouvoir et il joue de prudence devant l’argent. C’est ainsi que Serge Halimi met en lumière les liens qui existent entre les groupes industriels et les médias, les liens qui se tissent entre le pouvoir politique et les médias. Une conséquence générale en découle : les médias sont au service de la guerre, de l’argent et du commerce.
Mais qu’est-ce qui a donc changé depuis un demi siècle ? Halimi rapporte les propos d’un syndicaliste : « Il y a 20 ans, [les journalistes] déjeunaient avec nous dans les cafés. Aujourd’hui, ils dînent avec des industriels. » Une métamorphose de la profession s’est opérée. De contre-pouvoir, le journalisme conditionne maintenant l’opinion publique. Il est devenu un accompagnateur des choix de la classe dirigeante : tel est le verdict de l’auteur. Malgré toute cette propagande, se profile pourtant un espoir : ces échecs de la propagande précisément. « Face à un parti non déclaré, à une oligarchie dont on ne doit rien attendre, mieux vaut rechercher et encourager les voix dissidentes. », nous dit l’auteur.