Gil Courtemanche
La seconde révolution tranquille. Démocratiser la démocratie
lu par Bernard Rioux
Gil Courtemanche, La seconde révolution tranquille. Démocratiser la démocratie, Boréal, Montréal, 2003.
Les pièges du modérantisme
Dans son plus récent livre, paru chez Boréal cette année, Gil Courtemanche appelle à dépasser la désillusion, le cynisme et la lassitude créés par un terrible déficit démocratique et à ouvrir le chantier d’une nouvelle révolution tranquille.
Dans son livre, le « nouveau capitalisme » et ses méfaits sont dénoncés avec fougue et justesse. Mais ces nouvelles réalités sont expliquées par les appétits féroces des spéculateurs et autres prédateurs financiers et des politiciens à leur service qui apparaissent comme les monstres sortis d’on ne sait où. Ce type de démarche fait l’économie d’une analyse des causes de l’épuisement du modèle keynésien et des bases de la financiarisation du capitalisme. Cette approche grand-méchant-loupiste de la réalité actuelle a l’avantage de sauver l’hypothèse d’un capitalisme à visage humain débarrassé des profiteurs, faisant une place à une véritable démocratie citoyenne. Voilà l’horizon proposé : « amener les démocraties libérales à prendre au sérieux les principes qu’elles proclament… ». La perspective de la lutte anticapitaliste ne serait donc pas à l’ordre du jour.
« La démocratie, écrit Gil Courtemanche, naît dans la rue. Non de la protestation, mais dans la proximité, le voisinage, la connaissance instinctive d’intérêts communs. » (p. 78) Mais est-ce vraiment le lieu privilégié de la démocratie ? Ce sont les instances où les couches populaires participent le moins. Pourquoi ? Non parce qu’elles ne sont pas des lieux importants à investir mais parce que la population sait très bien que les enjeux les plus importants se jouent ailleurs.
Si tout se tient, comme il aime le répéter plusieurs fois dans son livre, pourquoi nous sert-il un étapisme minimaliste ad nauseam ? « Comment pouvons-nous rêver de mettre à genoux ceux qui spolient la planète, quand nous ne parvenons pas à faire respecter les règlements municipaux sur la salubrité des logements ? » Avec un tel type de raisonnement, il aurait fallu demander aux centaines de milliers de personnes qui se sont mobilisées au Québec contre les plans guerriers de l’impérialisme de se tourner vers l’application des règlements municipaux dans leur ville. Les mobilisations ne se construisent pas selon de tels schémas étapistes. Bagdad a été plus proche de centaines de milliers de personnes au Québec en février et mars 2003, que le quartier voisin.
Il faudrait tout un article pour discuter de ses affirmations à l’emporte-pièce comme quoi la question nationale a tué le PQ progressiste et a paralysé la démocratie au Canada. Reprendre encore une fois la vieille tactique de la social-démocratie canadienne et proposer de mettre sur la glace la question nationale québécoise n’ont rien de bien innovateur. C’est une telle démarche qui a conduit historiquement la gauche politique à l’impasse. Ce n’est pas l’objectif de l’indépendance qui doit être abandonné, c’est la souveraineté-association, à saveur néolibérale, qui a mené le gouvernement péquiste à se heurter aux intérêts les plus immédiats de la population. Ce n’est pas la volonté d’indépendance nationale qui a paralysé la démocratie canadienne, c’est la volonté de l’État fédéral de fermer toutes les voies aux aspirations à l’autodétermination du Québec. Loin d’ignorer ces aspirations, la gauche doit chercher à les redéfinir et à les articuler aux revendications avancées dans les luttes sociales contre la globalisation capitaliste.