X. Renou, P. Chapleau, W. Madsen et F.-X. Verschave
La privatisation de la violence. Mercenaires et sociétés militaires privées au service du marché
lu par Christian Brouillard
X. Renou, P. Chapleau, W. Madsen et F.-X. Verschave, La privatisation de la violence. Mercenaires et sociétés militaires privées au service du marché, Marseille, Agone, « Dossiers noirs #21 », 2006, 488 p.
La figure du mercenaire est, sans doute, aussi vieille que l’histoire des premières civilisations humaines puisqu’on la retrouve déjà dans la Grèce antique. Par la suite, avec le Condottiere, le corsaire, le chien de guerre, le paramilitaire ou le barbouze, on voit avec constance des individus ou des groupes œuvrant en parallèle (et, la plupart du temps, en lien) avec les institutions légales exerçant la violence, prêts à commettre basses œuvres et coups tordus moyennant rétribution financière. Avec la période actuelle, marquée par le développement des politiques néo-libérales et de la mondialisation capitaliste, on a assisté à l’émergence d’un nouvel acteur sur la scène de la violence privatisée : les sociétés militaires privées (les SMP). C’est à l’étude de ce nouveau protagoniste que s’est attelé Xavier Renou et ses collaborateurs, avec un ouvrage, La privatisation de la violence : mercenaires et sociétés militaires privées au service du marché, publié aux éditions Agone.
Le secteur privé de la sécurité et des opérations militaires représente, depuis la réduction des dépenses gouvernementales dans tous les domaines et la fin de la « guerre froide », un secteur en pleine expansion. On calcule que le chiffre d’affaire des SMP est de l’ordre de plus de 100 milliards de dollars. Cependant, le phénomène n’est pas totalement nouveau, car les premières entreprises de ce type apparaissent aux États-Unis vers 1946. Par contre, leur développement s’est considérablement accéléré depuis près de 20 ans. L’actuel conflit en Irak est assez révélateur à ce sujet car, en juillet 2007, on dénombrait sur le terrain plus de 630 SMP embauchées par le gouvernement des États-Unis. Avec près de 180 000 employés, ces compagnies surpassaient, en termes numériques, l’armée états-unienne, forte de 160 000 soldats.
Cette croissance spectaculaire s’explique en premier lieu, selon les auteurs de l’ouvrage, par toute la rhétorique néolibérale que l’on connaît si bien : le privé étant plus performant que le public, pourquoi ne pas confier à des entreprises des tâches militaires ? Le bilan tracé par les auteurs, en termes de fiabilité (qu’on songe à ce qui s’est produit dans la prison irakienne d’Abou Graib), de coût ou d’efficacité des SMP, n’est guère probant. Ces entreprises, loin d’être une solution aux menaces (réelles ou imaginaires) de violences internationales, sont plutôt une partie du problème. Pour reprendre les termes mêmes des auteurs : « C’est toujours la mondialisation néolibérale qui encourage la privatisation de la violence, non pas comme réponse aux menaces de la violence, mais plutôt comme le moyen d’étendre encore la domination du capital financier en lui ouvrant de nouvelles perspectives de profits. » Alors, si la vie vous intéresse...
Cliquez ici pour retrouver une rencontre-débat avec Xavier Renou