Vincent Bourdeau, François Jarrige et Julien Vincent
Les luddites. Bris de machines, économie, politique & histoire
lu par Christian Brouillard
Vincent Bourdeau, François Jarrige et Julien Vincent, Les luddites. Bris de machines, économie, politique & histoire, Paris, Éditions Inculte, 2006, 157 p.
La révolte du général Ludd
Donner sens à un événement historique, c’est la tâche auquel se sont attelés les auteurs de cette étude portant sur la révolte des luddites, ce mouvement qui secoua l’Angleterre au début du XIXe siècle et où les ouvriers de métier dans le textile détruisirent bon nombre de machines à tisser. Le nom du mouvement proviendrait d’un dénommé John ou Ned Ludd (surnommé, dépendant des sources, King Ludd ou général Ludd) qui aurait détruit, en 1780, deux métiers à tisser. L’existence du personnage n’a jamais été réellement prouvée même si on retrouve son nom sur des lettres expédiées en 1811 menaçant de sabotage le patronat du textile. Ce flou qui entoure les origines de cette lutte s’est épaissi du fait que l’histoire officielle l’a rapidement jetée dans la trappe de l’oubli, l’étiquetant de révolte « primitive » ou « archaïque ». Ajoutons à cela qu’on dispose de très peu de sources provenant des acteurs même de cette révolte, leurs paroles étant littéralement recouvertes par les discours officiels. Il faudra attendre la fin du XIXe siècle pour que le luddisme soit redécouvert. Cependant, comme le notent les auteurs, cette redécouverte ne sera pas sans ambiguïtés, le sens à donner à la lutte des luddites constituant dès lors l’enjeu d’une véritable bataille culturelle autour de la figure de la machine et de la technologie. Bataille qui s’est réactualisée de nos jours avec l’apparition d’un mouvement (inspiré, entre autres, par un penseur comme Jacques Ellul), le « néoluddisme », remettant en cause l’influence omniprésente dans nos vies des nouvelles technologies. C’est là un signe que la révolte du général Ludd n’est pas encore éteinte.