Christian Rioux (encore !)
La boucherie comme spectacle
par Claude Rioux
Dans un texte où il se porte à la défense de la corrida [1], le chroniqueur Christian Rioux enjoint les opposants de cette mise à mort à s’incliner devant « l’émotion esthétique que procure la vue d’un homme seul devant la mort […], car le taureau n’est pas immolé puisque le matador risque sa vie ». Or, rien n’est plus faux que ce mythe du « combat loyal ». En effet, avant que le matador n’entre dans l’arène, le picador enfonce une lance (jusqu’à 30 cm de profondeur) et fouille la plaie, afin de cisailler le ligament de la nuque et contraindre l’animal à baisser la tête. Arrive ensuite le banderillero, qui ouvre la blessure en y plantant six harpons de quatre à sept cm que l’on nomme pudiquement les banderilles. Le taureau dit « de corrida » n’est pas un « fauve », mais un animal domestique et herbivore de surcroît. Il ne devient dangereux qu’enfermé dans une arène où coups et blessures l’obligent à se défendre. De plus, des autopsies pratiquées sur des bêtes sacrifiées à la bêtise ont démontré qu’on leur administrait des sédatifs et des tranquillisants. « Les taureaux de combat ont pour terrain de jeu les meilleurs pâturages », enchaîne le chroniqueur. C’est à se demander s’il n’est pas jaloux du dernier repas – gratuit, et à volonté ! – du condamné à mort… En conclusion de sa sanguinolente défense de la torture tauromachique, l’esthète laisse la place au moraliste : « Dans cette quête d’une société aseptisée et propre que mènent certains militants inspirés, la corrida pourrait bien être la prochaine victime. On s’étonnera ensuite que des milliers de jeunes de banlieue en mal d’émotions fortes brûlent des voitures le dimanche soir en bas de leur immeuble. À une autre époque, ils se seraient mesurés à un bétail de 600 kg autrement plus vigoureux qu’un jeu vidéo. » Sans commentaire.
[1] « Olé », Le Devoir, 14/09/2007