Présentation du dossier du no 49
La gauche au Québec, entre la rue et les urnes
Le Printemps érable a rendu manifestes l’existence et la force d’une « masse critique » au Québec capable de remettre en question les fondements d’un système de domination. La présence dans les rues de centaines de milliers de manifestantEs nous a permis de constater comment un conflit ponctuel pouvait se transformer en symbole unificateur d’une série de luttes, dépassant largement une revendication sectorielle ou la somme de toutes ses parties.
Pourtant, un an plus tard, nous avons la désagréable impression que rien n’a changé au niveau politique... il faut bien reconnaître que, lors des dernières élections, plus de 60 % de la population québécoise a donné son appui à des partis ouvertement opposés aux aspirations exprimées par la rue. Et, depuis lors, le nouveau gouvernement du Parti québécois ne cesse de renier de diverses manières ses engagements réformateurs.
L’actuel dossier cherche à explorer cet étrange paradoxe, non pas pour en dégager la voie à suivre, mais pour en étayer les avenues en donnant la parole à diverses actrices et acteurs qui, entre la rue et les urnes, cherchent à donner un sens à cette grogne populaire contre le néolibéralisme et les dérives autoritaires de la « démocratie » représentative.
La politique électorale contre la démocratie ?
Précisant les distinctions entre les gauches parlementaires et sociales, Pascale Dufour nous parle de l’importance de « super-citoyens » capables de tisser des ponts entre ces deux arènes distinctes ; tandis que Diane Lamoureux insiste sur l’autonomie de la rue et des mouvements sociaux dans leur capacité à faire pression (de l’extérieur) sur l’arène politique institutionnalisée, mais surtout à s’instituer eux-mêmes en acteurs, déplaçant l’axe du politique en dehors du parlement. A contrario, le texte d’Yvan Perrier nous rappelle que c’est la professionnalisation des partis politiques et leur transformation en machines électorales qui ont chassé le politique et la démocratie du parlement. Dans tous les cas, la mobilisation citoyenne apparaît comme un ingrédient essentiel de la démocratie, tandis que les partis politiques et le parlementarisme y jouent un rôle pour le moins paradoxal.
La politique est une chose trop grave pour la confier à des politiciens
Loin de laisser le terrain de la politique électorale et parlementaire à des élites oligarchiques, les textes de ce dossier s’interrogent sur les manières de récupérer et de démocratiser le pouvoir que ces institutions tendent à monopoliser. Alors que Nicolas Phébus propose de « choisir son terrain de lutte » et de construire, à partir de la rue et d’un syndicalisme de combat, les rapports de force qui permettront d’infléchir le cours des choses, d’autres choisissent d’investir directement le terrain électoral pour chercher à le démocratiser de l’intérieur.
Montrant comment « le vote stratégique est un vote contre la démocratie », Sébastien Robert appelle à voter avec sa conscience indépendamment des absurdités de notre système électoral. Alexandre Leduc appelle Option nationale à ne pas placer la cause indépendantiste au dessus des autres luttes sociales, en refusant de se situer sur l’axe gauche-droite. À l’inverse, les membres de l’exécutif du nouveau mouvement pour le Québec prônent une convergence des forces indépendantistes, par-delà les spécificités par- tisanes, dans un dialogue entre citoyenNEs, reconnaissant tout en respectant les divergences idéologiques.
Démocratisation « à la base »
Au-delà de ces considérations « nationales », les textes de Jean-Marc Piotte et d’Anne Latendresse se penchent respectivement sur les plans syndical et municipal. Abordant, sur un plan historique, les rapports entre les diverses centrales syndicales et la politique partisane, Piotte se demande comment les syndicats s’impliqueront dans les prochaines élections municipales, marquées du sceau de la corruption. De manière plus large, Latendresse s’intéresse aux diverses tentatives citoyennes de réappropriation du droit à la ville et aborde l’expérience des sommets citoyens en regard du contexte de dépérissement de la politique municipale.
Pour conclure, Normand Baillargeon montre par des théorèmes abstraits comment il n’existe pas de système électoral parfait. La réforme de notre système électoral ne pourra jamais se substituer à l’établissement des conditions nécessaires à la démocratisation du vivre ensemble, soit « des gens menant un type de vie associative par lequel ils partagent des intérêts communs, délibèrent, ont le souci des autres, de leur bien-être, de la justice et ainsi de suite ».
Beaucoup de questions, beaucoup de réponses... Pour en débattre, nous vous convions, le 29 avril à 18h30, au bar Les Pas Sages (951, Rachel est), pour une causerie sur le sujet avec Catherine Dorion (Option nationale), Diane Lamoureux (Profs contre la hausse), Marc Laviolette (SPQLibre) et Alexandre Leduc (Québec solidaire).