Georges Castera
Les cinq lettres
Les cinq lettres, Georges Castera, Montréal, Mémoire d’encrier, 2012, 50 p.
Les cinq lettres nous laissent entendre le cri d’une révolte qui a trouvé les mots pour se dire. « Celui qui ne crie pas assez n’entend pas la voix du silence », écrit Georges Castera, naviguant ainsi entre la parole radicale et l’intériorité comme espace de liberté.
Il n’est plus question de se taire chez cet auteur dont l’histoire personnelle, qui s’enracine en Haïti, peut expliquer l’urgence du propos. Celui qui le fait « n’a plus de couilles, mais des légendes, des blessures miaulantes ». Cette révolte est d’autant plus fortement exprimée qu’elle a été contenue dans une colère sourde avant de se donner le droit d’exister : « Je t’écris pour t’apprendre que j’ai longtemps parlé les poings serrés. »
Les cinq lettres nous laissent découvrir une conscience lucide qui s’exprime et s’insurge, qui en appelle aux élans du cœur des hommes pour transformer le monde. Parfois tranchant, parfois hésitant, le narrateur creuse au fond de son âme et de celle de la femme qu’il aime, cherchant à faire en elle « un grand trou dans les mots », au risque de « parler avec des phrases mal parties, des phrases qui ratent le train ».
Castera nous entraîne dans le dédale des rues bruyantes et animées de Port-au-Prince, mais sa poésie aux allures de manifeste pourrait tout aussi bien se lire à l’aune de l’effervescence sociale qui nous a conduits au printemps érable. « Il faudra bien prendre acte que nous sommes depuis longtemps interdits de printemps. »
On est ici dans la quête de l’amour et du désir qui s’amalgame à celle de la parole, du bonheur collectif et de la dignité. Et on dépose ce recueil heureux de constater, encore une fois, toute l’universalité et le pouvoir de réflexion dont est porteur le langage poétique.