Hémisphère gauche. Une cartographie des nouvelles pensées critiques

No 038 - février / mars 2011

Razmig Keucheyan

Hémisphère gauche. Une cartographie des nouvelles pensées critiques

Jean-Marc Piotte

Razmig Keucheyan, Hémisphère gauche. Une cartographie des nouvelles pensées critiques, Montréal, Lux Éditeur, 2010

Je n’essaierai pas de résumer ce livre foisonnant. Je me contenterai d’indiquer ce que j’y ai trouvé d’intellectuellement stimulant. Quatre propositions ressortent de la première partie du livre sur les « contextes » de la nouvelle pensée critique :

1. La nouvelle gauche (1956-1977), qui remettait en question la théorie figée marxiste-léniniste, se préoccupe de l’aliénation, questionne la centralité de l’exploitation économique, s’interroge sur le sujet de l’émancipation (les nouveaux mouvements sociaux jettent de l’ombre sur la classe ouvrière) et, avec Foucault, explore la multiplicité du pouvoir. Ces questionnements influencent non seulement les nouveaux penseurs critiques, mais également ceux issus de cette période qui n’ont pas renoncé à leurs espoirs (Rancière, Badiou, Negri…).

2. Depuis les années 1920, avec la dogmatisation du marxisme, les théoriciens critiques entretiennent, contrairement à leurs prédécesseurs, peu de rapports avec les organisations ouvrières (partis ou syndicats). Un des rares qui maintient, selon moi, le lien avec la pratique est Antonio Gramsci qui, emprisonné, a pu réfléchir librement sur l’échec du mouvement ouvrier face à la montée du fascisme. Il n’est donc pas étonnant que Gramsci, comme le souligne Keucheyan, exerce une si forte influence dans la pensée critique contemporaine.

3. L’Europe, dont la France, a perdu aux mains des États-Unis et de leurs universités « le (quasi) monopole dont ils disposaient jusqu’ici sur la production des théories critiques ». L’auteur prédit que celles-ci proviendront de plus en plus des régions périphériques du  «  système-monde  », dont la Chine, l’Inde et le Brésil, et que les femmes y joueront un rôle important.

4. L’innovation des théories critiques actuelles est le produit, d’une part, de l’introduction de nouveaux objets d’analyse (ex. l’écologie) et, d’autre part, de l’hybridation du corpus marxiste par de nouveaux courants.

Les deux dernières parties présentent de façon succincte, mais claire, les nouvelles pensées critiques sur la nature et l’évolution du système capitaliste (dont celles de Robert Cox, David Harvey, Benedict Anderson, Robert Brenner, Elmar Altvater et du Canadien Leo Panitch) et sur les sujets de l’émancipation (dont celles de Slavoj Zizec, Donna Haraway, E. P. Thompson, David Harvey, Seyla Benhabib et Ernesto Laclau).

Si la première partie nous permet de réfléchir sur les défaites d’où émergent de nouvelles pensées critiques, les deux dernières introduiront le lecteur à des auteurs qu’il ignorait.

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