Travail
Syndicalisme en santé. Une nouvelle plateforme politique
S’engager dans les luttes sociopolitiques pour contribuer à faire changer les choses, c’est ce que propose l’Alliance du personnel professionnel et technique de la santé et des services sociaux (APTS) à ses membres pour combattre le sentiment d’impuissance vis-à-vis du démantèlement du réseau de la santé.
Les fusions d’établissements qui ont mené à l’apparition des CISSS et CIUSSS ont aussi eu comme impact la création de mégas structures syndicales, passant de près de 800 accréditations à moins de 100 pour tout le réseau de la santé. En 2017, cette centralisation imposée par la loi 10 s’est soldée par un gain d’environ 20000 membres pour l’APTS.
Le syndicat représente maintenant 55000 travailleuses et travailleurs. Conscient de l’importance que vient de prendre l’organisation dans le dialogue sur la défense des services publics, celle-ci souhaite élaborer la première plateforme politique de son histoire. L’exécutif national propose à ses membres une démarche sur trois ans qui passera par l’adoption en congrès : des orientations qui guideront la politique en 2019, de deux grands projets structurants en 2020 et d’un plan d’action en 2021.
Questionnée sur l’objectif de ce processus, Marie-Claude Raynault, première vice-présidente et responsable des secteurs de l’action féministe et de l’action sociopolitique, note que l’intention de renforcer le pouvoir syndical par l’affirmation de son rôle politique était déjà présente au sein de l’exécutif depuis plusieurs années.
Aujourd’hui, l’élargissement des rangs rend la chose non seulement possible mais nécessaire : « Ce que l’on souhaite, c’est de choisir les batailles politiques selon les intérêts des membres afin de rendre nos interventions dans les médias et auprès des représentants politiques plus représentatives et légitimes. On veut connecter le quotidien des travailleurs·euses avec l’action politique. »
Une mobilisation nécessaire
Il reste toutefois du chemin à parcourir pour que l’APTS se démarque par son implication au sein de luttes politiques. Actuellement, l’engagement social du syndicat ne se limite qu’à quelques liens de solidarité avec différentes coalitions et à certains positionnements de principe sur le développement durable et le droit des femmes.
Il n’en demeure pas moins que ce qui émane de la proposition de l’APTS, c’est justement l’affirmation du rôle social du syndicat. Il souhaite ainsi se positionner comme un contre-pouvoir crédible quant à la valorisation, la promotion et la prévention des services publics en mobilisant ses membres sur des thématiques qui vont au-delà de ce qui touche la santé.
Or, si la puissance d’un syndicat dépend du degré de conscientisation et de mobilisation de ses membres, un travail sincère d’information et d’éducation est primordial afin que la plateforme politique soit portée par la fougue des travailleuses et travailleurs du réseau et non par les aspirations d’une poignée d’élu·e·s à l’exécutif.
C’est d’ailleurs dans cette optique que 80 membres de la base se sont réuni·e·s en mai dernier dans le cadre du Carrefour des idées, un forum ouvert à tous ayant pour but de stimuler la réflexion sur huit grands enjeux. La formule, plus didactique que participative, laisse toutefois croire que les lieux d’échanges ouverts ne sont pas encore ancrés dans la structure syndicale de l’APTS.
L’intérêt de la proposition de l’APTS réside dans le fait qu’un exercice de cette envergure au sein d’une force syndicale nouvelle est chose rare de nos jours. Les résultats du congrès de novembre nous permettront d’évaluer sa capacité à mobiliser ses ressources au-delà des négociations de conventions collectives. Espérons que les délégués·e·s éviteront les pièges du syndicalisme corporatiste et saisiront l’opportunité qui s’offre à eux et elles de développer un réel intérêt pour l’activisme social dans ses rangs.