Étienne Beaulieu
La pomme et l’étoile
Étienne Beaulieu, La pomme et l’étoile, Montréal, Varia, 2019, 212 pages.
Dans son dernier livre qui s’offre telle une lumineuse méditation romanesque, l’auteur et éditeur Étienne Beaulieu se raconte tout en nous faisant (re)découvrir les parcours biographiques et artistiques des peintres Ozias Leduc et Paul Émile Borduas. Deux figures artistiques puissantes symbolisant, d’un côté, la tradition et, de l’autre, la modernité d’un Québec paradoxalement tranquille et déchiré par ses désirs et réticences à l’idée de devenir un pays. À travers les évènements ponctuant sa vie, notamment une séparation suivie de l’arrivée d’un amour fulgurant qui s’est rapidement étiolé, l’auteur juxtapose l’intime et le collectif. C’est ainsi que des pans de notre histoire artistique et politique sont commentés finement, du duplessisme au Refus global, en passant par le règne des libéraux des années 2000. À la lecture des premières pages, les lectrices et lecteurs apprennent que le projet de ce livre s’est vu transformé en cours de route et parlera finalement « de femmes et d’amour fou ». Ce détournement du projet, l’auteur l’explique notamment par les tribulations de son récit personnel et ce questionnement : « Est-ce le tournant de la quarantaine, la séparation d’avec la mère de mes enfants, l’arrivée de l’amour fou dans ma vie, surgi de nulle part puis reparti aussitôt dans le néant, le retour en évidence de la puissance du corps, qui présage, on s’en doute, ma mort prochaine, puis le deuil et la découverte d’une grande respiration intérieure ? » Ainsi, dès les toutes premières confessions, les lectrices et lecteurs sont invité·e·s à embrasser l’univers d’un littéraire qui a choisi de se laisser façonner par la vie.
Au-delà de l’académisme certain qui caractérise l’écriture d’Étienne Beaulieu, la beauté texturée de cet ouvrage nous transporte et nous élève. La lenteur enveloppante de La pomme et l’étoile s’offre tel un refuge devant cette accélération du temps qui trace les pourtours des sociétés contemporaines. Cet essai intimiste rappelle la sublime lenteur qui donne un souffle poétique au Dernier chalet d’Yvon Rivard. Entre l’essai, la confession et l’analyse esthético-poétique, ce livre nous révèle l’univers pictural et humain de ces deux peintres, le rapport entre le maître et l’élève, un moment de l’histoire de l’art du Québec et la trame collective d’un Québec qui se métamorphose et se fixe à travers le passage du temps.