Éducation
Surcharge et précarité pour les éducatrices en CPE
Les politiques du gouvernement libéral ont aggravé la situation des travailleurs et travailleuses et tout particulièrement celle des éducatrices dans les centres de la petite enfance (CPE).
Dans les dernières années, Karine (pseudonyme), éducatrice qualifiée œuvrant en CPE depuis 11 ans, a vu sa tâche s’alourdir. En effet, en raison d’une suppression de poste, elle a hérité d’une série de tâches connexes, tel le lavage de draps, des débarbouillettes, des bavettes, le nettoyage de planchers et la désinfection de jouets. Pourtant, l’éducatrice ne dispose pas de temps supplémentaire pour les réaliser. Au contraire, elle a vu son nombre d’heures de travail hebdomadaire réduit de 36,5 h/semaine à 33 h/semaine et la direction a décidé de sabrer dans la planification des activités pédagogiques. D’ailleurs, Karine n’a plus accès aux services d’une conseillère pédagogique pour l’aiguiller. Ce poste a aussi été supprimé, et ce, malgré la hausse des exigences gouvernementales quant à la qualité des services rendus par les éducatrices.
De plus, certaines éducatrices sont parfois invitées à quitter en matinée, lorsque le taux d’absence des enfants est considéré comme étant trop élevé par la direction : « Dans le temps des fêtes et durant les vacances d’été, ça arrive que la direction dise à 10h30 ou 11h qu’une personne doit quitter. Si personne ne se sacrifie, la direction dit que c’est la dernière rentrée qui va être coupée. Des fois, je pouvais lui dire : “Je pourrais faire telle tâche”. Elle me disait : “Ok, pis après ça tu vas quitter”. On s’entend que mon contrat de travail, c’est 33 heures. Mais non. C’est toujours un stress, je ne peux pas dire, j’ai une semaine de 33 heures fermes », explique Karine.
Par ailleurs, depuis le 1er avril 2016, le gouvernement libéral exige que les services de garde subventionnés atteignent un taux de présence des enfants de 80%. Les fautifs voient leurs subventions lourdement amputées. À travers cette nouvelle règle, le gouvernement cherche à lutte contre les « places fantômes » (les places occupées, non utilisées). Pour parer aux absences, les services de garde inscrivent un nombre d’enfants supérieur à celui autorisé par leur permis. Certaines éducatrices doivent donc s’occuper, par exemple, de neuf enfants âgés de deux ans au lieu de huit (tel que prescrit par le règlement), afin d’éponger les absences dans un autre groupe d’âge. Karine précise que les éducatrices surchargées ne disposent pas d’aide supplémentaire.
Niveler par le bas ?
Au cours des dernières années, le gouvernement libéral a procédé à la modulation et à la bonification du crédit d’impôt pour les frais de garde d’enfants. Par ricochet, les parents ont été incités à opter pour des services de garde privés non subventionnés. Ainsi, les services de garde privés non subventionnés se sont trouvés indirectement financés par les politiques de l’État. Selon l’Institut de recherche et d’information socioéconomiques (IRIS), entre 2007 et 2015, le nombre de places dans les services de garde privés non subventionnés a connu une hausse de 1047%, alors que les CPE ont majoré leurs effectifs de 18%. Or, les conditions de travail ne sont pas équivalentes entre le réseau public et le réseau privé. Les éducatrices qui travaillent en CPE reçoivent un salaire annuel moyen plus élevé qui reflète le fait que leurs compétences sont généralement supérieures à ce que l’on retrouve dans le privé. De plus, les éducatrices en CPE disposent des leviers de la négociation syndicale pour améliorer leur condition.
Malgré quelques mesures cosmétiques, le gouvernement libéral souhaite désagréger ce modèle. Adoptée en décembre 2017, la loi 143 vise à diminuer le nombre de garderies en milieu familial non accréditées (sans égard aux qualifications des responsables de garde). Selon Karine, l’initiative est louable, car le gouvernement libéral tente ainsi de rehausser la qualité des services. Elle avait décidé elle-même d’ouvrir une garderie non accréditée en milieu familial, afin de disposer de meilleures conditions de travail et approfondir les effets de ses interventions auprès des enfants. Elle a adoré. L’éducatrice chevronnée n’est pas seule. Plusieurs de ses comparses ont fait de même. Elle est déçue de se voir obliger de revenir en installations.