Le cirque

No 075 - été 2018

Éditorial du no 75

Le cirque

Le Collectif de la revue À bâbord !

Deux lancements sont prévus dans la région des Laurentides pour célébrer la sortie du numéro 75. L’un aura lieu à Val-David, le 21 juin ; le second lancement est prévu à Nominingue, le 22 juin. Tous les détails ici !

Il va falloir revivre ça. Pour les trois prochains mois et demi. Le cirque électoral part en tournée provinciale et avec lui toutes les mesquineries de la politique politicienne. Avec la loi sur les élections à date fixe, la totalité des acteurs et actrices a déjà bien en vue la cible du 1er octobre. Les armées partisanes s’affrontent jour après jour et celle qui récoltera 35 à 40 % d’appui dans le vote populaire pourrait néanmoins obtenir 100 % du pouvoir, selon ce mode de scrutin insensé.

Populisme, démagogie, manichéisme, complaisance et sophismes sont à l’ordre du jour. La CAQ de François Legault et le PQ de Jean-François Lisée nous offrent deux saveurs de nationalisme conservateur. Pour une énième fois, improvisant sur le thème de l’immigration, Lisée fait vibrer la corde identitaire en proposant, en avril dernier, la fermeture du tristement célèbre chemin Roxham. En tête dans les sondages, c’est néanmoins Legault qui tire le mieux avantage de cette « adéquisation » des esprits, arrivant maintenant aux portes du gouvernement.

À preuve, la classe politique instrumentalise le cas d’une étudiante en techniques policières portant un hijab. Des élu·e·s du PQ, de la CAQ et du PLQ n’hésitent pas à déchirer leur chemise et à faire monter les enchères autour de ce cas singulier, donnant aux médias leur ration de politique-spectacle et nous éloignant chaque jour davantage d’une campagne électorale qui miserait sur l’intelligence plutôt que sur la peur et offrirait l’occasion de faire rationnellement de grands choix de société.

Après le psychodrame de la Charte des valeurs québécoises et le dérapage de la campagne bloquiste de 2015 sur la question de la burqa, plongerons-nous encore une fois dans ce piège des élections carburant aux angoisses identitaires ? Cette hystérie collective fera-t-elle encore barrage sur la question de la pauvreté, des paradis fiscaux, de l’écologie et de la grande transition vers l’après-capitalisme ?

C’est à croire qu’à chaque fois que l’enjeu de l’immigration remonte à la surface, on doive se contenter de dichotomies stériles. On nous demande de choisir entre défense absolue des droits individuels et pérennité d’une identité collective. De trancher entre fédéralisme multiculturaliste et nationalisme conservateur. D’opter pour la négation de soi ou la négation de l’Autre.

Comment s’extraire de cette gangue pour réfléchir collectivement, voire accroître l’influence des forces progressistes ? Il est pour le moins surprenant que les centrales syndicales refusent non seulement d’appuyer des candidatures progressistes, mais insistent pour ne pas demander à leurs membres de voter contre tel ou tel parti. En déclarant que « si un parti propose une cure minceur pour l’État québécois, nous réagirons en temps et lieu  », les chefs des centrales n’énoncent-ils pas un mot d’ordre pour le moins timoré ?

Au cœur du rendez-vous électoral qui vient loge pourtant l’enjeu de remodelage néolibéral de l’État québécois que le gouvernement Couillard a opéré, qui a tant fait mal au mouvement syndical, à nos services publics et au milieu communautaire. Après des années et des années de politique d’austérité, il est urgent d’appeler un chat un chat, de dire à quel point on en a bavé en raison des compressions budgétaires dans les services publics durant les 15 années du régime du PLQ, puis de recentrer le débat sur le genre de société que nous voulons.

Pour les progressistes, cela implique de reprendre la discussion dans nos milieux de vie, d’études et de travail, pour identifier les meilleurs véhicules de l’action politique de gauche dans le contexte électoral, en multipliant les occasions d’additionner les forces et de créer de nouvelles alliances. En ce sens, la fusion de ON à QS, l’implication de candidates et de candidats vedettes et une stratégie de communication basée sur les médias sociaux feront-elles enfin augmenter les appuis électoraux de QS ?

Par-delà le jeu parlementaire, il ne faut pas perdre de vue la nécessité pour les mouvements sociaux de rester un contre-pouvoir actif, prêt à descendre dans la rue. Car nous le savons, un scrutin est loin d’être le seul moment d’expérience démocratique, tant s’en faut. Mais d’ici au 1er octobre, il ne faut pas se laisser distraire par les thèmes chers à l’establishment. Disons-leur basta  ! Contre la droite économique et sociale, soutenons de vrai·e·s progressistes. Crions notre colère aux adversaires du bien commun et aux saltimbanques réacs anciens et nouveaux ! Que se vayan todos !

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