Dossier : Le Saint-Laurent en (…)

L’environnement

S’en laver les mains

Andréanne Demers, Ève-Marie Lacroix

Malgré les règlements sur le respect de l’environnement qui existent au Québec, les problèmes persistent à plusieurs endroits. Avons-nous les moyens de nos ambitions ? Les municipalités doivent faire appliquer des règlements et des politiques que leur largue le gouvernement sans les doter des moyens et des outils nécessaires. Ce sont les cours d’eau qui en souffrent.

Les sondages le disent. Le respect de l’environnement est une priorité pour la population. Pourtant, nos cours d’eau servent encore de fosses septiques, leurs berges s’érodent et nos lacs se teintent du vert vif des cyanobactéries. Mais ce n’est pas par manque de règlements.

Bien qu’on puisse trouver plusieurs lacunes dans les politiques et les règlements du gouvernement québécois, ils encadrent néanmoins les activités humaines sources de pollution. La Loi sur la qualité de l’environnement (LQE) régit les rejets de polluants dans l’environnement, tandis que la Politique pour la protection des rives, rivages et des plaines inondables guide les municipalités dans la préservation des cours d’eau. Donc, ce n’est pas les règlements eux-mêmes qui posent le problème mais plutôt leur application.

Le ministère du Développement durable, de l’Environnement et des Parcs (MDDEP), responsable en grande partie de la LQE, est un ministère sous-financé depuis des années. En conséquence, il a balayé plusieurs de ses responsabilités de son application dans la cour des voisins, notamment au palier municipal.

Les municipalités et les MRC (municipalités régionales de comté) doivent intégrer la Politique pour la protection des rives, rivages et des plaines inondables dans leur schéma d’aménagement. Un schéma qui encadre tout le développement et les activités se déroulant sur leur territoire. Elles doivent également s’occuper de faire appliquer plusieurs règlements issus de la LQE tel le Règlement sur l’évacuation et le traitement des eaux usées des résidences isolées (Q2r8).

Un bâillon virtuel

L’idée de décentraliser la gestion des problèmes environnementaux dans les régions et de laisser les gens du milieu s’en occuper est, en théorie, louable. Mais les municipalités et les MRC rencontrent bien des obstacles dans l’application des règlements provinciaux ou municipaux sur l’environnement.

L’obstacle le plus grand est le manque de moyens. Le gouvernement du Québec a donné aux municipalités la responsabilité d’appliquer des règlements sans toutefois leur en fournir les moyens, financiers et techniques. Plusieurs municipalités sont pauvres, soit parce qu’elles sont petites, soit parce que leurs citoyens ont peu de revenus.

Les municipalités n’ont par ailleurs pas les ressources humaines et techniques requises. À plusieurs endroits au Québec, les inspecteurs travaillent à temps partiel ou doivent couvrir seul un vaste territoire. Les inspecteurs municipaux s’occupent aussi souvent de plusieurs dossiers en plus de celui de l’environnement.

Les MRC n’ont pas les leviers nécessaires pour faire appliquer la réglementation de Québec, puisqu’elle n’est pas sous leur propre juridiction. Et pour appliquer les règlements, encore faut-il qu’il y ait poursuite. Or, les poursuites contre les contrevenants sont rares puisque les injonctions requises et les avocats pour les traiter coûtent cher.

Du côté du gouvernement du Québec, il existe des inspecteurs dans chaque bureau régional du MDDEP. Mais ceux-ci sont également confrontés à une tâche immense avec des effectifs réduits. Enfin, les citoyens sont souvent convaincus qu’ils respectent les règlements, bien que ce ne soit pas toujours le cas. Cela est loin de faciliter la tâche aux inspecteurs !

En ce qui concerne les bandes riveraines, elles sont peu respectées. Autant les agriculteurs que les résidants les ignorent. Au manque d’information des gens s’ajoute le refus d’admettre les fautes commises. Résultat ? La dégradation des lacs et l’érosion des rives. Et dans les municipalités, on se préoccupe peu d’émettre des amendes pour des questions d’environnement.

Des conflits de voisinage

Les élus municipaux ne sont pas tous enclins à faire respecter les règlements sur l’environnement. Les conflits d’intérêts entre un agriculteur ne respectant pas la règlementation sur les bandes riveraines et le maire ou un conseiller municipal, qui peut être en même temps un membre de sa famille ou un voisin, sont monnaie courante dans nos régions. Et quand il s’agit d’intenter des actions contre la ou les rares entreprises de son territoire, celles qui concentrent les emplois de toute la région, qui payent des taxes et qui peut-être dépannent la municipalité quand il s’agit, par exemple, d’entreposer les neiges usées, on préfère fermer les yeux sur les atteintes à l’environnement.

La loi de la plainte

L’aberration est que, en matière d’environnement, sans plaintes des citoyens, il n’y a pratiquement pas d’application des règlements. Malheureusement, les gens confondent les mots dénonciation et délation. Le premier vise à faire connaître une action nuisible. C’est le second qui est teinté de motifs méprisables et de traîtrise. Conséquence ? Peu de gens prennent la responsabilité de mettre au jour les agissements de leurs voisins, qu’il s’agisse d’un individu ou d’une entreprise. D’autant plus que porter plainte, c’est souvent entreprendre une lutte de plusieurs années.

À cet égard, la victoire en cour Suprême des citoyens de Beauport au mois de novembre dernier contre l’entreprise Ciment Saint-Laurent après 15 ans de procédures est révélatrice de la façon dont nos gouvernements gèrent la question de la protection de l’environnement et des citoyens. Les gens de Beauport ont dû se regrouper pour se défendre contre les nuisances que causait l’entreprise à son entourage. Cette victoire permet toutefois de constater que les citoyens ont un pouvoir quand il s’agit de défendre l’environnement.

Chaos juridique

Il existe également un flou juridique autour des responsabilités des MRC. Par exemple pour la gestion des cours d’eau et de leur écoulement : l’habitat du poisson est sous juridiction fédérale de Pêches et Océans Canada, le cours d’eau en tant que tel relève de la juridiction de Québec, tandis que les berges sont sous la responsabilité des MRC. Parfois même, les rivières sillonnent à la frontière de deux MRC, chaque berge étant la responsabilité de l’une ou de l’autre. Dans ce fouillis, à qui faut-il porter plainte maintenant ?!

Comme les problématiques du Bas-Saint-Laurent sont différentes de celles de la Montérégie ou de l’Abitibi-Témiscamingue, la régionalisation dans l’application des règlements sur l’environnement est requise. Les municipalités sont aux premières lignes en ce qui concerne l’application de la réglementation au sujet de plusieurs problèmes environnementaux, mais sans le soutien et les sommes nécessaires, il est inutile d’imaginer que les MRC, les villes et les villages puissent faire respecter ces règlements et investir dans la protection des cours d’eau et de leurs rives.

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