Culture
Où vit la poésie ?
« La terre nous est étroite », écrivait le poète palestinien Mahmoud Darwich. Le temps aussi se mesure chichement. À peine avons-nous vécu qu’il nous faut partir. La mort, l’exil… Darwich est parti le 9 août 2008, dans l’arrachement définitif. Imaginons alors un flic existentiel rédiger sa fiche d’identité : « Mahmoud Darwich : poète national palestinien, né en 1941 en Galilée, expulsé avec sa famille en 1948 vers le Liban, retourne clandestinement vers son village natal pour découvrir qu’il a été rasé. S’enfuit en 1971 pour l’Égypte et rejoint l’OLP. En 1988, il rédige la déclaration d’indépendance du peuple palestinien et intègre le comité exécutif de l’OLP jusqu’en 1993 où il démissionne pour protester contre les accords d’Oslo. Il s’était installé à Ramallah, en Cisjordanie, depuis 1995. » Darwich, avec la concision poétique, avait déjà réglé cette formalité bureaucratique dans son célèbre poème Identité : « Inscris ! Je suis arabe… » Mais il n’était pas que cela : « Je suis un poète palestinien, mais je n’accepte pas d’être défini uniquement comme le poète de la cause palestinienne. » De fait, la poésie refuse de se laisser « ficher » dans des petites cases pré-établies, car elle est, au même titre que cette vie, un EXCÈS. Ce caractère excessif du langage poétique rentre ainsi en confrontation avec une réalité cruelle et désespérément privée de sens : « Entre Rita et mes yeux / s’interpose un fusil… » À la fin cependant, le poète meurt. Mais la poésie continue à vivre au creux de nos existences, au sein de nos paroles.